Groupe Enfance issu du Collectif des 39 | L’enfance mise au pas.

Nouvelle Revue de l'Enfance et de l'Adolescence.

L'Harmattan - Hors-série N°2, 2022

Article rédigé par : Xavier GASSMANN

Présentation

L’actualité de cette rentrée est marquée par un signifiant, la pénurie. La crise et en particulier celle initiée par la guerre en Ukraine, en serait le principal moteur dans la suite de la crise sanitaire associée à la survenue de la Covid 19, qui a plongé les humains dans un profond désarroi et qui a mis à l’arrêt l’illusion d’une expansion illimitée.

Si dans le discours médiatique, le contexte de la crise était inattendu et imprévisible, ce qu’elle charrie sur le plan social dans sa déclinaison sanitaire et éducative est tout sauf une nouveauté.

Pénurie d’enseignants, de soignants, de professionnels de la petite-enfance, pédopsychiatrie en ruine, un ensemble de constats établi depuis bien longtemps par les professionnels eux-mêmes. Professionnels que nous sommes qui nous réunissons chaque mois pour chercher des ouvertures aux différentes formes de formatage qui touchent Petits et Grands.

Cette crise a un autre effet et celui-ci plus insidieux.  Sous couvert de prévention, de protection, de pédagogie de la « bientraitance », sont mises en œuvre des logiques de contrôle et de surveillance. Libres d’obéir, comme l’a écrit récemment Johann Chapoutot, n’est-ce pas à cette grande machinerie que chacun est convoqué avec si possible une adhésion pleine et entière ?

Comment cela se traduit-il dans le champ de l’enfance et quelles en sont les formes ?

Sous prétexte de porter attention à l’enfant dit « handicapé », n’assiste-t-on pas à une extension du domaine du handicap, qui condamne tout enfant en difficulté à être réduit à un handicap ?

Par ce glissement sémantique abusif, n’est-ce pas la fonction du symptôme comme expression singulière de l’enfant qui est ici rejeté ?

Quels sont les effets sous couvert d’argumentations scientifiques, de l’extension du diagnostic neuropsychologique ?

Cette montée en puissance de la classification des enfants en fonction de leurs symptômes et de leurs compétences, n’a-t-elle pas pour effet contingent un délaissement toujours plus massif de ceux qui ne répondent pas aux nouvelles parodies thérapeutiques ?

Quels impacts, ce regard déterministe qui occulte la fonction de la temporalité induit-il sur l’enfant, sa famille et les professionnels ?

L’enfermement dans la précipitation, dans l’urgence à mettre en ordre ce que l’enfant tente de faire entendre aux adultes, n’évacue-t-elle pas le substrat de l’enfance qui pose l’enfant comme sujet en devenir ?

Dans cette logique de mise au pas de l’enfant et de son environnement, chaque professionnel est toujours plus contraint par les exigences administratives et comptables à se soumettre à des schémas protocolarisés qui évacuent toute forme d’initiative.

Et pourtant elle tourne, et pourtant pourrions-nous dire aujourd’hui, y a de l’inconscient.

Freud avait déjà relevé combien était-ce coûteux au narcissisme de l’humain la découverte qu’il n’est pas seul maître en son royaume.

C’est à la mégalomanie de l’humain que Freud s’adressait.

Aquelles nouvelles mégalomanies du monde adulte l’enfant est-il aujourd’hui soumis ?Devant les convictions de maîtrise d’un cerveau réduit à une somme de programmations, comment remettre en perspective ce nécessaire démenti à « l’égoïsme naïf de l’humanité » ?

Xavier GASSMANN

Psychanalyste, Psychologue clinicien, Hôpital de Jour L’Esquisse, C.H. R. Dubos, Pontoise, en libéral à Cergy, 95. Chargé de cours à Paris Diderot et à l’UPJV Amiens. Membre de l’association Pandora.

A publié « « Strange Fruit », la voix du métissage », in Aux racines de la création, le rythme, sous la direction de C. Masson et F. Vinot, In Press, 2018. « Trouvaille de la page blanche », Insistance, vol. 11, no. 1, 2016, pp. 219-226.

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