Isabelle Heyman Degrand | Antiquité tardive

Essai sur l’écriture

Éditions le Retrait, 2025

Article rédigé par : Jeanne Lafont

C’est un petit livre assez étonnant, fait de fragments, un peu oraculaires, comme lancés au bord de l’impossible, et pourtant articulés les uns aux autres, à partir de points très différents, la couture, les mots d’un enfant en thérapie, des cartes, un souvenir d’Herculanum, sa bibliothèque, des traces de la vallée des rois en Egypte … mais aussi de poèmes, de quelques mots de Lacan ou Freud …

Le titre renvoie au début du livre où elle remarque le changement de nom de la période de la fin de l’empire romain, qui s’étale pourtant sur plusieurs siècles : « le bas empire» disait-on, et maintenant « l’antiquité tardive » ! Qu’est-ce que ça change ?

Et comme ça, de bout en bout, en petits paragraphes courts, le livre arpente la fonction de l’écrit, de la trace et de ses absences. L’auteur assume tout à fait cette volonté du fragment : « Il résiste, il proteste, à la limite du sens… Articuler quelque chose de neuf depuis ces fragments, les fluidifier, les faire circuler, bref les réécrire, voilà l’idée. »

Le plus émouvant, parce qu’elle ne raconte pas vraiment un moment clinique, mais plutôt comment une réflexion entendue au cours d’une séance, ou un geste, un dessin, la renvoie à un livre, et à cet espace ou s’interroge l’être de l’homme : je veux dire que l’auteur se situe dans une fraternité, émouvante donc, avec son jeune interlocuteur. Elle ne surplombe rien, et l’assume en nous livrant la pensée comme un espace avec son bord, sa limite …

Revient le nazisme, leur haine du peuple du livre, et la thèse, chère à certains d’une volonté de l’effacement de la trace, avec la question angoissante d’Adorno : « et comment fait-on après ? Comment cerner la rupture et ses conséquences …

Je me vois bien le garder un certain temps sur la table de nuit, pour y revenir, pour une phrase ou deux, et laisser vibrer l’énigme entre parole et écrit !

Juste, l’importance du troisième temps de la pulsion, (p70) « voir, être vu et se faire voir »: si effectivement Freud l’articule dans la métapsychologie, c’est Marie Christine Lasnik qui en démêle l’importance dans la vie du bébé. Elle en a fait un signe pathognomique de l’autisme, … et c’est très précieux de pouvoir repérer la fragilité d’un bébé à six mois ! Son nom n’est pas cité, ça m’a dérangée ! Parce qu’elle cite Pierre Michon, Jean Pierre Demoule, Philippe Forest et d’autres encore.

Jeanne Lafont, psychanalyste, psychothérapeute. Mes livres : Chez Point hors ligne, Topologie ordinaire de Jacques Lacan, 1986; Topologie lacanienne et clinique analytique, 1990. Les pratiques sociales en dette de la psychanalyse, 1994. Chez EFEdition. Les dessins des enfants qui commencent à parler, 2001; Six pratiques sociales, (livre collectif), 2006; La langue comme espace, 2015.

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