Anne Dufourmantelle « En cas d’amour »

(psychopathologie de la vie amoureuse) Manuels Payot, 2009, 232 p., 16€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

 

Je voudrais que vous me débarrassiez de l’amour… Elle est sans âge, les cheveux retenus derrière la nuque, un tailleur de couleur neutre. Son visage porte les traits de l’absence, comme si elle n’était pas vraiment là… Sa voix inexpressive ressemble à celle de ces fous dont le délire n’entretient en apparence aucun rapport avec le sujet traité, comme si elle devait se risquer à découvert sur un champ de mines… Elle, la psychanalyste, ne peut s’empêcher de sourire. Sourire de cet aveu. Aveu d’une femme qui ne laisse aucun dehors altérer ni sa voix ni son regard…” La psychanalyste nous confie : “Mais qu’imaginait-elle… qu’elle ne serait pas clouée comme les autres à la dépendance de l’amour, ses convulsions de parturiente, sa mauvaise foi, ses accès de jalousie accablants, son instinct de possession animal, sa loi du plus fort, son idiotie ?”

Dans ce livre, autant récit qu’essai sur la psychopathologie de la vie amoureuse, nous suivons Anne Dufourmantelle, psychanalyste et philosophe, dans son travail, dans ses relations avec ses patients et dans ses ressentis. Tantôt par la description de cas, de mots entendus dans son cabinet ou sa propre expérience, tantôt par des excursions philosophiques du côté de Kierkegaard, de Husserl, de Spinoza  ou de Pascal.

Que faire… en cas d’amour ? Axe autour duquel tourne toute vie : aimer, être aimé. Avec toutes ses déclinaisons : reconnaissance, peur d’être abandonné, morsure de la jalousie, désir de possession, envie, délivrance, haine, détachement, paix. “Est-ce d’avoir été porté dans un ventre qui nous rend ainsi à la merci de ce sentiment inconscient et sauvage pour lequel nous sommes prêts à abdiquer tout le reste ?”, s’interroge l’auteur.

Pour quelle raison, quand un événement fait souffrir, essaie-t-on, par mille artifices de la conscience, de le revivre, de le répéter en boucle, de “faire cercle autour de lui”, afin qu’il se place au centre de sa vie, en devienne l’intensité même, au risque de la corroder ou de l’abîmer encore plus profondément ? Car force est de constater que pour la plupart, malgré l’apparente variété des expériences amoureuses, les motifs de l’échec sont les mêmes. Anne Dufourmantelle nous donne ici accès à la mécanique de certains comportements, comme la répétition.

“Je n’ai plus de raison de vivre, dit-il, depuis qu’elle est partie”. L’homme qui prend place devant elle est comme mort, en effet. “Le regard n’accroche rien, la peau est blême, les mains seules paraissent conserver un semblant de vie indépendante, elles vont et viennent dans l’air, se nouent et se dénouent, font un ballet de pleureuses tandis que le reste du corps est pierre”. Quand on  est quitté, on doit affronter une réalité bien plus violente que l’amour lui-même. Car c’est celui qui s’en va qui emporte la mise. “Ce avec quoi il s’en va, c’est une grande partie du corps de l’autre, de sa tête, de son corps, de sa vie même”.

Depuis les histoires imaginaires que l’on se forge lorsque l’on est amoureux  jusqu’au désir de vengeance, en passant par la rencontre, la fusion amoureuse,  la fascination, la dispute, la jalousie, la rupture, cet ouvrage étudie les différentes manifestations de la passion et les blessures de l’attente amoureuse.

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