Catherine Millot O Solitude

Gallimard, 2011, 174 pages, 16,50€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

Dans son roman “O Solitude”, Catherine Millot nous convie à un voyage intérieur, vers un au-delà insoupçonné de soi. Elle nous emmène pour une navigation, en Méditerranée pour commencer, en mer du Nord pour finir. Le bruit de la mer, nous berçant et nous menant vers d’autres solitudes.

“L’horizon est un cercle parfait, la mer est déserte, vide comme la page blanche qui m’attend, avec juste le soleil et la mer, et les îles… Le bonheur se confond avec la mer et le soleil et l’écriture à venir… Le calme règne aussi dans mon cœur depuis que, hier matin, j’ai fait un rêve de douleur. Les douleurs anciennes recouvrent en rêve une actualité qu’elles n’ont jamais entièrement perdue.”

Catherine Millot écrit à la première personne et traque les liens de ses expériences intimes avec sa vocation d’écrivain et son métier d’analyste. Il y a l’absence de l’autre, le chagrin d’amour. Rythmes alternés d’exils et de retours. De tempêtes intérieures. De silence et de contemplation.

“Au début de mon analyse avec Lacan, tandis que je m’attachais à lui décrire ce que je pensais avoir été mes symptômes névrotiques les plus criants, ceux qui m’avaient amenée sur son divan, il m’avait interrompue pour me dire, avec un bon sourire, que ce que j’avais connu là, c’était l’amour.”

L’auteur nous livre certains épisodes de son existence d’enfant, d’étudiante, d’amoureuse, d’analysante, de psychanalyste. Cette disciple de Lacan dit avoir découvert l’amour à la lecture de “A la recherche du temps perdu” de Marcel Proust.

“Lire resta ma passion dominante. Lire est une vie surnuméraire pour ceux à qui vivre ne suffit pas. Lire me tenait lieu de tous les liens qui me manquaient… Lire est comme une rencontre amoureuse qui n’aurait pas de fin… Mais écrire, c’est aussi s’engager dans une ascèse qui, d’ailleurs, comporte son plaisir propre.”

La solitude se révèle dans la nature, la peinture, la littérature. L’auteur retrace, parmi les plus grands maîtres, le destin de deux solitaires, le sémiologue Roland Barthes et le naturaliste William Henry Hudson.

“Nous voici dans cet espace paradoxal où dedans et dehors s’interpénètrent, où la clôture et l’illimité s’équivalent. On retrouve cette équivalence dans les deux figures qu’illustrent Barthes et Hudson.”

On n’est jamais loin de l’expérience mystique, des mondes extrêmes. Mais Dieu n’y est jamais évoqué. Juste l’amour, la perte de soi dans l’autre. L’art ou l’écriture.

“Au fur et à mesure que l’on se rapprochait du Cap Nord, le ciel se couvrait d’une grisaille plus épaisse… Sur place, on avait peine à repérer quelques remous qui ne méritaient guère le nom de tourbillons, bien pâle évocation du magnifique vortex qu’Edgar Poe avait haussé jusqu’à la légende”.

Ecrivain et psychanalyste, Catherine Millot est l’auteur de six livres, dont quatre parus aux éditions Gallimard : “La vocation de l’écrivain (1991), Gide Genet Mishima (1996), Abîmes ordinaires (2001) et La vie parfaite (2006).

Annik Bianchini

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