Cabinet de lecture 2006

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

 

La folie du transfert
Solal Rabinovitch, Erès (Coll. Scripta), 2006, 207 p., 15€
“Une analyse, ça se finit comme un tableau. A la fin, il manque toujours quelque chose, fut-ce un simple point rouge ou la touche d’un certain bleu, que cherche le peintre et qu’il pose finalement dans le tableau. Ça ne met pas un point final mais un point qui pousse le regard et ouvre le désir, qui fait qu’on a encore envie de voir le tableau, encore et encore”, explique Solal Rabinovitch dans son livre La folie du transfert. Une folie, le transfert ? “Faire d’un inconnu son père, son amant, sa sœur, sa mère : une folie. Et cette folie serait le ressort, le matériau même d’une cure ?”
Solal Rabinovitch est psychiatre et psychanalyste, membre de l’Ecole de psychanalyse Sigmund Freud et a déjà publié : Ecritures du meurtre, Freud et Moise : écritures du père 3; La forclusion; Les voix.. Dans le présent ouvrage, l’auteur interroge la pratique du psychanalyste, questionne l’exercice du transfert dans les cures, considère la façon dont l’analyste supporte sa pratique, invente des fictions et en sort modifié. Car c’est aussi l’analyste que le transfert met sur la sellette, lui, sa pratique, sa théorie et sa propre personne, qu’il laisse se modifier, voire se déformer par les transformations que les cures lui font subir. L’auteur observe que l’analyste est intéressé à la fois dans le transfert et dans la résistance. Les remarques de Freud à Binswanger en 1913 sur le contre-transfert visent directement l’analyste : “On doit chaque fois reconnaître et dépasser son contre-transfert pour être libre soi-même”.  Être libre soi-même n’est pas subir les émois produits par le transfert, mais s’en servir et les manier.
Dans ce livre, Solal Rabinovitch s’attache à tisser le fil logique de la cure, sans reculer devant la psychose. Et le bâti de la cure ne sera pas le même s’il aboutit à un nœud ou à un faufilage. “Si écrire est nouer, lire sera dénouer. Lire ce qui sera noué, tressé ou faufilé.”

 

La frontière invisible (violences de l’immigration)
Alice Cherki, Éditions Elema, 2006, 181 p., 20€
“Faire ce travail de séparation : rien qu’un peu de mer frappant sur une balustrade, et puis se taire… S’indigner dans l’immédiat après-coup du silence sur l’Histoire, de la non-transmission de cette Histoire… Devenir sujet de son histoire… Croire en l’origine une, excluant toute étrangeté… Se taire encore, penser en silence.” Dans cet ouvrage, Alice Cherki porte sa réflexion sur la question de l’origine, les impasses de l’exil, la place de l’étranger, le déni de l’altérité  et surtout, la pratique de la psychanalyse avec les “enfants de l’actuel”. Alice Cherki est psychiatre, psychanalyste. Née à Alger, elle vit à Paris depuis 1965. Coauteur de deux ouvrages, Retour à Lacan  (Fayard, 1981) et Les Juifs d’Algérie (Éditions du Scribe, 1987), elle publie Frantz Fanon (Le Seuil, 2000), témoignage sur l’homme et l’œuvre, traduit en plusieurs langues. Pourquoi ce titre “La frontière invisible” ? Pour l’auteur, il ne s’agit dans cet écrit que de frontières hérissées comme des murs, qui empêchent tout passage, aussi bien sur le plan géographique que psychique. Ces frontières se renfermant constamment et les impasses subjectives qui en découlent conduisant à des dérives. Prenant comme point de départ privilégié l’Algérie, sa colonisation, la guerre avec la France, l’émigration – immigration, Alice Cherki s’interroge sur l’après-coup traumatique des massacres et génocides qui ont marqué le XXè siècle. Comment vivent les descendants des parents anciennement colonisés et pris dans les violences coloniales et les guerres, appelés ici les “enfants de l’actuel”, quand manquent les représentations historiques et familiales ?  “Ce qui n’a pu être reconnu et symbolisé revient chez les descendants sous des formes qui vont de l’errance psychique jusqu’aux productions délirantes”, explique l’auteur. L’exclusion, la destruction de l’autre sont au cœur de son travail. Ainsi en est-il de l’exclusion du féminin par horreur de l’autre qu’il faut nier pour fabriquer du même et s’en conforter. Aussi l’exclusion de l’autre différent, d’une histoire différente. “Ce qui reste après la séparation : effacement des traces, réminiscence, oubli, décrispation, le corps plus léger, le regard moins regardé”. C’est à partir d’un mouvement incessant entre un “trop de présence et un “désir d’absence”, intriqué dans l’Histoire et l’histoire singulière, que se tisse le fil de ce recueil. Algérie, une autre façon de dire ? 

 

Jacques Lacan et le sentiment religieux
Pierre Daviot, Érès, (Coll. Analyse laïque), 2006, 159 p., 15€
À partir d’une présentation des Écrits de Jacques Lacan, d’une relecture de sa thèse de 1932 et du rappel de ses premiers articles sur la paranoïa, le présent ouvrage vise à cerner, de façon accessible au profane, les principaux concepts développés par Lacan. L’auteur, Pierre Daviot, médecin et psychanalyste, membre de l’association Errata, souligne que la démarche de Lacan est partie de l’hypothèse d’une détermination spécifique de la relation à autrui, que l’on retrouve dans “Le séminaire sur «La lettre volée»”, qui ouvre le recueil des Écrits. Il montre ensuite que le parcours de Lacan s’est éclairé des lectures qu’il avait faites des œuvres surréalistes (et notamment des expériences subjectives auxquelles André Breton s’était livré dans sa recherche d’une nouvelle forme de poésie), avant même la publication de sa thèse. En suivant ce fil conducteur, l’auteur considère que la démarche d’André Breton, bien que dégagée de toute influence religieuse, puisait aux mêmes sources que la mystique chrétienne. “André Breton parle du surréalisme comme d’une action précédée d’une vocation, vocation qui s’inscrit dans le cadre d’une révélation. La beauté convulsive ne peut se dégager que du sentiment poignant de la chose révélée, que de la certitude intégrale procurée par l’irruption d’une solution qui ne peut nous parvenir par les voies logiques ordinaires. L’image poétique, telle qu’elle se produit dans l’écriture automatique, constitue l’exemple parfait de cette expérience subjective ”, indique Pierre Daviot.
Chemin faisant, l’auteur montre dans son livre que l’usage de la “paranoïa critique”, préconisée dès 1929 par Salvador Dali comme “méthode spontanée de connaissance irrationnelle fondée sur l’association interprétative critique des phénomènes délirants”, a permis à Lacan de porter la notion “d’une détermination positive par le langage des formes paranoïaques de l’expérience” jusqu’à ses conséquences logiques les plus fines.
Dans ce contexte, en quoi l’enseignement de Lacan peut-t-il constituer une innovation ? “Lacan a ouvert un champ d’investigation inexploré et spécifique, fondamentalement distinct de celui de la science proprement dite mais dont la rationalité, loin de lui être antinomique, pourrait se révéler un jour être la condition de son succès, en ne négligeant pas de donner aux sentiments humains et à tout ce qu’ils déterminent la place qui leur est due”, remarque l’auteur.

 

La Vie parfaite, Jeanne Guyon, Simone Weil, Etty Hillesum
Catherine Millot, Gallimard (Coll. L’Infini, dirigée par Philippe Sollers), 2006, 267 p., 17, 50€
Après “Abîmes ordinaires”, Catherine Millot, psychanalyste, nous conduit à la “Vie parfaite”, en retraçant la vie tourmentée de trois femmes inspirées : Jeanne Guyon (1648-1717), Simone Weil (1909-1943) et Etty Hillesum (1914-1943). Qu’ont-elles en commun ? La quête mystique, la recherche d’absolu, l’abolition du moi, cette “omission fondamentale de soi-même” qui ouvre à un autre monde. “Longtemps, j’ai cru que c’était leur jouissance qui m’attirait. Je ne voyais pas que c’était leur liberté”, explique Catherine Millot.
D’abord Mme Guyon, grande dame du siècle de Louis XIV, au style étincelant, au naturel sans ambages, mariée à un homme très épris mais tyrannique, s’éloigne progressivement du monde et de ses plaisirs, invente une autre possibilité de vie, travaille activement à l’anéantissement de son moi. “Le moi”, dit Lacan, “porte en soi la dépossession et la mort imaginaire. Les mystiques sont ceux qui sont poussés par une étrange et puissante aspiration à accomplir cette dépossession et cette mort.” Vient ensuite Simone Weil, agrégée de philosophie, révoltée par la condition de la classe ouvrière, un don Quichotte au courage extrême, que l’impossible attirait. Elle fit la triple expérience de l’usine, où elle sentit s’anéantir sa propre vie intérieure, celle de la douleur physique, et celle de la guerre d’Espagne, où elle vit les ravages sur l’âme de la lâcheté et de la cruauté. Etty Hillesum enfin, miraculeuse fleur d’humanité née au plus profond de l’horreur de son époque, qui, parvenue à transformer les épreuves en beauté, fut déportée en 1943 à Auschwitz où elle mourut.
Dans chacun de ces destins, Catherine Millot parle de la quête d’une “Vie parfaite”, mais qui n’est pas synonyme de refus du réel. Toutes trois eurent cet instinct d’approbation dont parle Nietzsche. “Toutes trois savaient que la Vie parfaite, c’est maintenant, que la béatitude est un état du cœur et non pas une chose promise pour demain. C’est une disposition de l’esprit qui se tourne vers le réel. La Vie parfaite, c’est le réel, chacune le dit à sa manière”, note Catherine Millot. 
La recherche d’absolu est ici un élargissement de l’espace, une ouverture vers le grand large. Les mystiques sont des gens qui prennent le large.

 

Plaidoyer pour l’enfant-roi
Simone Korff Sausse, Hachette Littératures, septembre 2006, 240 p., 18€
On entend beaucoup parler de la question de l’enfant-roi, petit monarque qui dicte sa loi aux adultes, pour s’alarmer du phénomène : “Il n’y a plus d’autorité, on ne peut plus leur mettre de limites, il n’y a plus d’enfants.”
La psychanalyste Simone Korff Sausse, spécialiste de l’enfance, maître de conférences à Paris VII, auteur de plusieurs ouvrages dont Le Miroir brisé et Dialogue avec mon psychanalyste, fait entendre une voix différente.Simone Korff Sausse veut montrer qu’en réalité cet enfant n’est pas si roi que cela. Qu’il est soumis à rude épreuve. Qu’on lui en demande beaucoup et qu’on ne lui en donne pas tant que ça. Il est gâté, certes, mais il est aussi confronté à des situations familiales, scolaires et sociales extrêmement complexes, souvent frustrantes, imposées par des adultes eux-mêmes impliqués dans des existences compliquées, qui lui demandent de s’en débrouiller. Et c’est ce qu’il fait. Avec une grande intelligence, en déployant une étonnante inventivité, des stratégies nouvelles, inédites, originales, qui sont autant de modalités d’adaptation à la société dont il sera le futur adulte.
Peut-être est-il temps de faire place au point de vue de l’enfant, remarque l’auteur. Mais encore faut-il l’écouter. Car des opinions, il en a. Pour peu qu’on le laisse les exprimer, on s’apercevra qu’il a beaucoup de choses à nous apprendre.
La psychanalyse a montré, avec Freud, que tout le développement humain et l’œuvre de la civilisation consistent à sortir de l’état premier de toute puissance, qui caractérise aussi bien le petit enfant que les rois. L’enfant construit sa personnalité en rapport avec le monde qui l’entoure, celui des adultes, de la société. Les changements concernant l’enfance sont rapides, l’évolution de la société se poursuit à une vitesse vertigineuse. Tel un miroir, l’enfant-roi renvoie à l’adulte contemporain sa propre image, qui lui permet de maintenir l’illusion perdue de sa propre enfance toute puissante. C’est en cela, rappelle Simone Korff Sausse que l’enfant-roi est le produit de notre société et le reflet de la personnalité de l’adulte d’aujourd’hui.

 

Jean Cocteau ou l’énigme du désir (Ce que le poète apprend au psychanalyste)
Marie Jemma-Jejcic , préface de Charles Melman, Érès, «Coll. Psychanalyse et Écriture dirigée par Jean-pierre Lebrun, 2006, 300 p., 25€
Jean Cocteau fait énigme dans la littérature. Si beaucoup a été dit sur son compte, sans cesse il s’échappe.  Ne disait-il pas : “Mon œuvre  est un objet difficile à ramasser” ?Pourtant, rarement auteur suscita tant de passions. Marie Jemma-Jejcic, psychanalyste, docteur en sémiologie littéraire et docteur en psychopathologie et psychanalyse, membre de l’Association lacanienne internationale, maître de conférences à l’université Paris XIII, reprend ici l’écriture de Jean Cocteau, l’étudie de fond en comble et avec une extrême justesse, réussit à la rendre lisible à la lumière de la pensée de Jacques Lacan. “Lacan fournit des coordonnées inestimables pour aborder la clinique et articuler la problématique de chacun dans sa particularité. Il ouvre la réflexion, la suscite, la relance sans jamais l’étouffer par des réponses généralisantes”. Jean Cocteau pensait, en effet, qu’un psychiatre, plus qu’un critique littéraire, serait à même de découvrir l’unité de son œuvre, sa finesse, sa logique.
L’écrivain-poète-cinéaste, mis à mal dans sa structure psychique par le suicide de son père, témoigne à travers d’œuvres comme “Les enfants terribles”, son premier grand succès, combien il est difficile d’être singulier dans un monde pluriel. Par le travail d’écriture, son antidote intime à la fatigue ou à la dépression, il a repris sa vie en main, se faufilant entre fantasme et symptôme. “Coincé entre une mémoire destructrice et une réalité dont il était dessaisi, il s’est cramponné à son fil d’écriture, comme d’autres à celui de leur bobine d’Ariane, lesté par la seule rigueur de son langage poétique”, remarque Marie Jemma-Jejcic. La vie de Cocteau fut cette pièce dont il inventa au fur et à mesure le texte.
Les écrits de Cocteau s’organisent, selon l’auteur, de façon rigoureuse en différents exercices. Le premier exercice de la prose cerne les manques de l’image pour trouver un sens qui dynamise et oriente. Le deuxième exercice, théâtral celui-là, dissocie le sens et introduit la vérité du mythe. Enfin, un troisième exercice, poétique, sépare le regard de la voix. Le cinéma se dégage de l’écriture et la poésie devient mise en acte d’un pur savoir.
Une lecture savante des textes de Jean Cocteau, qui annoncent le statut de notre modernité et nous concernent aujourd’hui au plus près.

 

Le pastout de Lacan (consistance logique, conséquences cliniques)
Guy Le Gaufey, Epel, 2006, 173 p., 26€
Que les sexes soient deux constitue peut-être la certitude la plus mystérieuse. Et s’il y a deux sexes qui s’attirent l’un l’autre, lequel est l’un et lequel est l’autre ?, s’interroge Guy Le Gaufey, psychanalyste.
Doit-on croire la conception selon laquelle hommes et femmes sont séparés par la grande différence sexuelle et forment deux essences bien distinctes ? Ou bien faut-il penser que l’on passe sans rupture de l’un à l’autre et qu’il n’y a jamais que de l’existant, que du relatif, chaque être humain se situant sur un continuum de plus ou de moins (homme ou femme) par rapport à l’autre.  Jacques Lacan, avec sa provocante affirmation selon laquelle “il n’y a pas de rapport sexuel” et les formules de la sexuation qui l’accompagnent, s’est impliqué dans ce questionnement entre logique et sexes, en inventant un nouvel intervenant, un pastout qui montre l’incomplétude de la chose sexuelle. En promouvant le pastout, Lacan a fait le choix de la particulière restrictive, celle qui dit «quelques mais pas tous».
Dans cet ouvrage, Guy Le Gaufey étudie comment ces formules de la sexuation ne peuvent être interprétées qu’au regard de règles propres à l’enseignement de Lacan qui, en 1972, amorçait un virage avec “l’exception confirme la règle”. Son ambition : fonder un nouvel universel sur l’exception qui lui fait objection.
La vignette clinique, bref récit de cas censé illustrer un fragment théorique jugé par trop abstrait, naît dans le creuset de la particulière minimale en raison de son credo en la conformité.  Le pastout de Lacan fait valoir comment ces vignettes en viennent à faire du savoir une référence inquestionnable.
Dans la dernière partie du livre, Guy Le Gaufey montre comment Lacan opère, de 1972 à 1975, un glissement  de la négation sur le rapport sexuel, passant de “il n’y a pas de rapport sexuel” à “il y a un non-rapport”, de l’inexistence d’un tel rapport à l’existence d’un tel non-rapport. Ce changement de perspective prend appui sur l’instrument clé dans l’enseignement des années soixante-dix : le nœud borroméen.

 

La Jalousie (Délices et tourments)
Marcianne Blévis, Seuil, mars 2006, 215 p., 17€
“Comment vivre quand la jalousie fait obstacle à l’amour et entraîne dans le vertige de la perte de soi ?” Mais surtout, “Où vivre sans l’abri et le port d’attache que procure une identité solidement établie ?” Tels sont les questionnements des jaloux, ces “sans domicile fixe” de l’être que ruptures intérieures et blessures diverses ont coupés de l’accès à eux-mêmes. La jalousie les met dans des états extraordinaires. Elle les place en un lieu impossible, un non-lieu à l’intérieur duquel ils tentent de se constituer comme sujets en même temps qu’ils s’en trouvent exclus. En manque d’identification et de repères qui leur offriraient un lieu où vivre, les jaloux et les jalouses sont sans cesse menacé de chute. Leur jalousie les maintient en suspens. S’ils sont volages en amour, ils demeurent fidèles en jalousie.
Jalouses et jaloux ne cherchent-ils pas à fusionner avec ceux qu’ils aiment afin de pouvoir posséder à eux tout seuls ces “êtres de fuite” que représentent ces hommes et ces femmes “autres” qu’eux, vivant dans un monde “différent” ? Ils ne sont d’ailleurs pas en mesure de se séparer de l’objet de leur quête. Ils y restent accrochés, en attente.
Les diverses figures de la jalousie, de bien étranges passions aux charmes vénéneux, sont déclinées dans cet ouvrage à travers des échanges entre un analyste et son analysant. Marcianne Blévis, psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, propose ici d’intéressantes réflexions basées sur les nombreuses années de pratique que la psychanalyse lui a apportée. L’analyse est dans cet ouvrage le lieu de tous les mots et de toutes les images de la langue d’enfance dont les jaloux ont été dépouillés. “Il revient au psychanalyste de construire avec son patient un espace où la possibilité d’une rencontre avec un semblable s’élabore. En d’autres termes, cela revient à ménager avec lui l’espace vide, indéterminé, de sa prédisposition à aimer”, explique Marcianne Blévis.
Une analyse inédite sur les raisons complexes et secrètes qui conduise un individu à refuser d’affronter les incertitudes du désir.

 

L’arbre effeuillé et autres brindilles
Daniel Bonetti, préface par Éva-Marie Golder, Les carnets de psychanalyse, janvier 2006, 112 p., 18€
“Tu lui dis : «Qu’as-tu dessiné-là ?» «Des essuies», répondit-elle. Ensuite, elle se tut. C’est le lecteur, en toi, qui fut surpris. Tu lus : «J’essuie.» Tu le lui fit entendre : «Comme c’est curieux, on dirait que ça dit : «Je suis.» Elle s’anima tout à coup d’un regard vif et brillant. Elle dit : «Ah oui ! Je suis Rosa.»”
Dans le présent ouvrage, Daniel Bonetti, analyste, retrace la rencontre des histoires des analysants, entendues, vécues, les siennes aussi, jaillissant de sa mémoire d’enfant, se croisant à nouveau avec celles de l’autre. Il parle de l’épreuve que représente pour lui le travail dans le transfert. Qu’en est-il, en effet, du travail du transfert pour l’analyste ? L’auteur a choisi, pour le dire, le style et la souplesse d’une écriture littéraire, poétique, alerte et joyeuse. Les mots du passé deviennent mots du présent, l’expérience de l’analyste s’entrecroise avec le récit des patients. Toute analyse étant tissée par l’amour, par la haine. Mais qui est le sujet ? Qui est l’objet ?
Daniel Bonetti, psychanalyste à Charleroi, est membre du “Questionnement Psychanalytique” (Inter-Associatif Européen de Psychanalyse). Il pratique en privé depuis 1985 conjointement avec une pratique en institution pour enfants et adolescents. Il travaille actuellement, à temps partiel, dans un centre de guidance pour adultes dans la région namuroise. 
Qu’est-ce que l’analysant vient donc chercher chez l’analyste ? Que se passe-t-il entre le moment où il sonne à sa porte et celui où il décide de ne plus revenir ? “Eh bien, truc Machin !”, dit l’enfant du récit. “Truc Machin, c’était la clé, sa clé qu’en partant elle avait nommée. Ce n’importe quoi qui disait, qui disait ce rien qu’il faut dire, pour dire qu’il n’y a que le dire quand il n’y a plus rien d’autre à dire”. Cette fois-là, elle n’est plus revenue.
“Je fis une pause. J’allumai ma pipe. La fumée s’éleva et avec elle un curieux sentiment de légèreté.”

 

Une autre femme (Récit intime au fil de la ménopause)
Donatella Caprioglio, Hachette Littératures, février 2006, 160 p., 16€
Le livre de Donatella Caprioglio constitue un témoignage et une réflexion sur l’une des périodes les plus délicates de la vie d’une femme. Pour ce faire, Donatella Caprioglio n’a pas cherché à aborder la question sous l’angle médical, elle a préféré interroger ses émotions, ses sensations physiques et laisser remonter en elle ses souvenirs.
“Depuis la première fois qu’il est apparu, mettant en émoi le cercle familial, ce sang a toujours été pour moi un ami. Des souvenirs précis sont restés gravés dans ma mémoire : ma mère qui me dit d’aller me reposer, en me tenant des discours qui ne font qu’accroître mon embarras et ma confusion”. Donatella Caprioglio se souvient aussi des mots et des gestes qu’elle-même a adressés dans les mêmes circonstances à sa propre fille.
Le récit avance en suivant les chemins de traverse qui s’offrent à la narratrice, la ménopause n’étant pas une fin, mais pour elle l’occasion d’une rencontre avec une féminité nouvelle.
Psychanalyste, Donatella Caprioglio vit entre Paris, où elle est professeur à l’université de Bobigny, et Venise, où elle a créé la “Porta verde”, lieu d’écoute pour parents et enfants de 0 à 3 ans. Elles est l’auteur, chez Hachette Littératures, de Je n’y arrive plus (2005).
Le présent ouvrage présente un modèle de réflexion sur la façon dont, à l’approche de la ménopause, s’élabore le sens d’une vie, annonciateur de nouvelles potentialités. “Ces rêves qui m’ont accompagnée depuis le début de ce parcours continuent à tisser un lien entre passé et présent, entre conscience et vie onirique et à me donner le sentiment que quelque chose est en train de se résoudre peu à peu.”
Dans un langage sobre, pudique, toujours porté par une extrême clarté, l’auteur relate ce combat avec elle-même et avec les autres qui s’apparente à une quête.

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