Daniel Bartoli « Si l’honneur est en jeu… » Cinq questions à la psychanalyse.

Editions des Crépuscules, postface par J. TH. Moulin, 2010, 52 p., 16€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

“La grandeur véritable
N’est pas de ne bouger sans quelque grande cause,
C’est grandement, pour un fétu chercher querelle
Si l’honneur est en jeu”.
Hamlet, Acte IV, scène 4

Qu’en est-il de la psychanalyse aujourd’hui ? Et par voie de conséquence, qu’est-ce qu’un psychanalyste, qu’en est-il de sa formation en l’état actuel du mouvement psychanalytique ? Ou encore, quel est le lien entre les deux termes “psychanalyste” et “psychanalyse” ?

En cinq questions, Daniel Bartoli interroge les concepts psychanalytiques à l’aune de la vie sociétale et du discours religieux. Sa réflexion procède par notations et fragments, obéissant à la règle de l’association libre. Ici, l’argent, le sexe, le pouvoir, la manipulation sont tour à tour convoqués.

Psychiatre, psychanalyste, Daniel Bartoli exerce en Mauritanie. Il a  publié deux romans aux éditions L’Harmattan “Chargez Bourriques”(1999) et “L’Exactitude des somnambules” (2006). “Cyrano le retour ou le Choix de Roxane” : théâtre, pièce en  trois actes et un prélude, Editions Maisonneuve  et Larose (1993). Et plus récemment : “Œdipe à Istanbul. L’Ecriture du Divan”. Ouvrage bilingue franco-turc, Editions des Crépuscules, 2009. Avec la participation de Daniel Bartoli.

La première question répond à la nécessité de situer la psychanalyse dans le champ commun de l’illusion généralisée : d’un côté la fantaisie, le fantasme, l’idéal, de l’autre le narcissisme, le “quant-à-soi”. Fil rouge de l’ensemble du développement, elle est perçue par l’auteur à la fois comme  un outil à penser et comme un levier pour forcer les résistances.

La deuxième question tente de circonscrire le rapport de la psychanalyse au mythe d’Œdipe. Le désir de Jocaste est désir d’éternité : elle est en cela la figure de la mère primordiale. Mais l’auteur s’interroge, dans la troisième, sur une brûlante urgence de notre  époque : quel est son point de vue sur  la circoncision et l’excision ? “La tradition n’est que le masque socialisé de ces comportements vengeurs, juste rétorsion à l’égard de l’ancienne toute puissance maternelle. Violence est faite au symbolique. Cette violence, opérée sur le corps, déchaîne l’imaginaire pour une brèche dans laquelle s’engouffre le réel”.

Dans la quatrième question, “Père, pourquoi ?”, l’auteur se réfère au  livre de Fethi Benslama “La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam”. Il  le cite : “La difficulté de Freud devant l’Islam est liée à son rabattement sur la solution du père primitif” et de poursuivre : “C’est que, contrairement au judaïsme et au christianisme, dès son origine, l’Islam exclut Dieu de la logique de la paternité”. Le Coran éloigne en effet la représentation de Dieu de la référence au père, même à titre symbolique. Et dans l’Islam, une seule image parentale confond père et mère pour constituer ‘l’abawaya”, c’est-à-dire “les deux pères”. 

Constitution de groupes sectaires, pratique systématisée de l’abus, passages à l’acte, infinitude de la cure, hors du social et du juridique… Tel est le sujet de la cinquième question. Selon l’auteur, le mouvement psychanalytique est dévoyé.  Jusqu’à quand ? Mais alors, que faire ? Son premier et dernier secours : le recours à la clinique et à ses lois ?

“Je connais D. Bartoli depuis longtemps, il ne décolère pas ! Son ire le porte, sans coup férir, au problème qui regarde, certes,  l’éthique d’une Pratique, mais pas seulement. Plutôt, semble-t-il, il en irait ici d’une question d’honneur. Rien de moins ! Et de l’honneur de la Psychanalyse, ce qui n’est pas une mince affaire”, exprime J. Th. Moulin.  

Annik Bianchini

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.