Elisabeth Roudinesco Lacan, envers et contre tout

Editions du Seuil, 2011, 175 pages, 15€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

“Regardez ma Télévision. Je suis un clown.
Prenez exemple là-dessus et ne m’imitez pas !”

Jacques Lacan

Lacan n’a pas fini de nous étonner. Et continue de faire l’objet des interprétations les plus extravagantes.
Trente ans après sa mort, Elisabeth Roudinesco, dans un essai bien documenté, dresse un bilan actualisé de Jacques Lacan et en appelle à sa quête inlassable de vérité. Retour sur sa vie, ses actions, son œuvre, ce qu’elle fut, ce qu’il en reste et qui continue de questionner notre époque.

Elisabeth Roudinesco ne prétend pas donner une vision globale de l’homme et de l’œuvre, mais elle insiste sur certains aspects de cette vie hors norme et de cette pensée qui marqua des décennies. Jacques Lacan déchiffrait l’inconscient comme un langage. Un langage qui a ses lois, sa syntaxe et ses caractéristiques intrinsèques.

Lorsqu’il était jeune chef de clinique, il avait écrit sur les hauts murs de l’hôpital Saint-Anne cette formule étrange : “N’est pas fou qui veut”. On pourrait la reprendre, comme le fait Jacques-Alain Miller, en disant  : “N’est pas Lacan qui veut”.

L’auteur nous propose de redécouvrir un homme paradoxal et subtil, libertin dans sa vie personnelle mais préoccupé par le déclin de la figure paternelle, se faisant fort “de ne pas céder sur son désir”. Afin de se démarquer de l’hédonisme de la société ambiante. Elle décrit une pensée mouvementée et dresse le portrait d’un Lacan collectionneur (il était en possession de “L’Origine du monde”, le tableau de Courbet), lecteur de Sade. Car Sade, c’est celui qui échappe à tous les pouvoirs. Il fut, résume l’auteur : “toujours ébloui par une chose et son contraire, par l’interdit et la transgression”.

Elisabeth Roudinesco dépeint un Lacan humaniste, qui prônait le retour à Freud, et psychanalyste inspiré par la philosophie. Il fut aussi le seul penseur de la psychanalyse à prendre en compte de manière freudienne l’héritage d’Auschwitz. Car personne ne sut, comme lui, réinterpréter la question de la pulsion de mort.

Historienne, directrice de recherche à l’Université de Paris VII, Elisabeth Roudinesco est l’auteur de nombreux ouvrages qui ont fait date. Dont une magistrale Histoire de la psychanalyse en France. Fille de la psychanalyste d’enfants Jenny Aubry, Elisabeth Roudinesco a connu Lacan petite et a suivi une formation analytique auprès de lui. Dans cet ouvrage, elle met en perspective le siècle de Lacan et le nôtre, “d’ores et déjà lacanien”. Même si nous vivons actuellement l’éclosion des psychothérapies.

Ce livre doit être lu comme l’énoncé d’une part secrète de la vie et de l’œuvre de Lacan. Un Lacan confronté à ses excès, à sa passion du réel, à ses objets. Un Lacan des marges. Des bords. Qui savait manier le langage avec génie. Un penseur paradoxal, conflictuel. Du côté de la transgression :“Envers et contre tout”.

Annik Bianchini

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