Guy Dana « Quelle politique pour la folie ? Le suspense de Freud »

Editions Stock, Collection dirigée par Anne Dufourmantelle, 2010, 295 p., 20€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

Que faire des personnes atteintes ? Comment les soigner ? Derrière les attaques lancées contre la psychanalyse se profile le débat sur la conception de la clinique et, plus fondamentalement encore, sur la conception de l’individu.

Le présent  essai propose une politique pour la folie reposant sur la pratique psychiatrique, articulée et pensée du point de vue de la psychanalyse, et montre comment transposer l’expérience analytique dans le champ clinique des psychoses.

Guy Dana est né à Alexandrie. Après des études de médecine et de philosophie,
il s’engage dans le monde de la psychiatrie. Appartenant au courant lacanien, il  est nommé en 1991 chef de service d’un secteur de psychiatrie générale. Il est, de 1997 à 2000, le président du Cercle freudien. En 2003, il organise, au Sénat, le Forum des psychanalystes pour le Proche-Orient. Membre, depuis janvier 2009, du groupe des 39 contre La Nuit  sécuritaire, il se bat pour une orientation de la psychiatrie comptable des sciences humaines et de la psychanalyse. 

Partant des principes directeurs de la psychanalyse, l’idée tenace de cet ouvrage est que ces principes, dès lors qu’ils s’articulent autour de la clinique des psychoses, sont porteurs d’une politique.

A terme, en aménageant en conséquence le cadre analytique, la politique qui se dessine déplace les enjeux qui, aujourd’hui, pèsent sur le champ social dans son entier  et sur la psychiatrie en particulier : déshumanisation, exigence de rendement et instrumentalisation de nos peurs, industrialisation de la santé.

Dans la première partie de ce livre, l’auteur détaille les trois piliers fondamentaux de la psychanalyse : l’association libre, le conflit psychique et le transfert, où l’enjeu est de conquérir un nouvel entendement, de lever le ou les interdits de pensée, et d’éprouver la notion d’espace psychique.  Il donne à entendre quelque chose au niveau de la parole, du silence, de l’espace entre les mots qui constitue l’expérience même de l’analysant.  Ecoutons-le : “C’est  un espace d’élaboration qui fait défaut. Cet espace peut-il se conquérir et à quelles conditions ? Autrement dit, comment rendre opérant le couple que forment ensemble espace et langage alors que règne le chaos ?”

Dans une deuxième partie, Guy Dana avance des réponses à ces questions : “L’espace, quand il est structuré par un ensemble institutionnel, fait naître  un langage. C’est en traitant le couple espace-langage  comme une pâte à modeler  que l’intervalle, le tiers,  ou encore l’originaire redeviennent pensables, permettant d’approcher un peu mieux l’influence, le chaos ou l’effondrement”. Il montre, et l’idée est novatrice, que les impasses qui se rencontrent dans le traitement des psychoses sont aussi des balises pouvant ouvrir un nouvel horizon. Ce qui permet de soutenir l’hypothèse d’une hospitalité pour la folie. 

L’inventivité de la psychanalyse, revisitée à partir de Freud, Lacan et Winnicott, est l’antidote, pense-t-il, qui permet de proposer et d’initier de façon précise une autre approche de la folie et de la souffrance humaine. Car la responsabilité des psychanalystes reste déterminante, à condition de ne pas renoncer à faire preuve d’une solidarité indispensable ni d’abandonner cet espace de la cure qui est la leur.

Ce livre de près de 300 pages, d’un style très personnel,  s’adresse aux professionnels de la santé comme aux acteurs du monde politique,  mais aussi à toute personne confrontée à cette problématique dans son entourage ou dans sa famille.

Annik Bianchini

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