Annik Bianchini nous donne son avis Gisèle Harrus-Révidi « Séduction, la fin d’un mythe »

Editions Payot, 2007, 285p.

 

Jusqu’au milieu du XXè siècle, la séduction était un concept qui relevait de l’esthétique, de l’éthique, du religieux, du romanesque ou du tragique. Elle résultait du subtil mélange de mots précieux et d’une érotique de corps plus rêvés que réels. Le mystère du corps de la femme rejoignait les recherches spirituelles. Séduire, nous indique Gisèle Harrus-Révidi, c’était attendre, savoir faire attendre, créer l’espace du manque afin que le rêve s’y projette. L’acte même de séduire était, pour les hommes, surtout dans le verbe, le discours charmeur, la parole, les mots fallacieux Cette tactique, calcul pour le séducteur, était énigme pour le séduit. Et cela se jouait dans un temps à la fois limité et précis. Par des jeux de langage et de silence, combien de séductrices, également, ont su comme, l’indique l’auteur, mettre en scène des détails incongrus et se métamorphoser d’objets de rejet en objets de désir, comme Mlle de Lavallière, favorite de Louis XIV, qui utilisait intuitivement le fait d’avoir un léger strabisme comme complément plein de mystère.

De nos jours, dans une société qui privilégie la consommation immédiate, les relations entre les hommes et les femmes ont évolué : on ne supporte généralement ni d’attendre ni d’être frustré. La séduction actuelle, selon Gisèle Harrus-Révidi, se résume souvent au sexuel, à l’actualisation du désir, dans le plaisir mutuel. Sauf peut-être en Orient. Gisèle Harrus-Révidi, psychanalyste et universitaire, est l’auteur de plusieurs ouvrages : “Parents immatures et enfants-adultes”, “Psychanalyse des sens”, “Psychanalyse de la gourmandise” et “L’Hystérie”.
Les mystères de la féminité débouchaient sur le religieux, le paradis ou l’enfer. Ils mènent aujourd’hui chez le psychanalyste, où les plaintes des uns et des autres prouvent peut-être que la séduction opère également par la souffrance psychique, la fascination qu’elle entraîne chez le partenaire et le fantasme de réparation suscité en lui.

Qu’est-ce qui différencie la séduction du charme, du glamour, de la beauté, du fantasme, du coup de foudre, de la passion, de l’érotisme ? À l’époque actuelle, quand on ne reprend pas les textes classiques, où parle-t-on séduction ? Evoluons-nous vers une morale de la frustration, transformant les individus en marchandises consommables et interchangeables ? Le concept de séduction, après des siècles d’immobilité, évolue. Vers où ? Jusqu’où ? Et si c’était le mystère de la féminité qui disparaissait ? Autant de questions posées par cet ouvrage.

Annik Bianchini

 
       

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