Henri Rey-Flaud Les enfants de l’indicible peur

Nouveau regard sur l'autisme Aubier, 2010, 500 pages, 23€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

On les dit enfermés dans leur bulle, séparés du monde et incapables de s’ouvrir à la présence de l’Autre. Pourtant, les enfants autistes ne sont pas ce qu’ils paraissent. Telle cette petite fille qui, l’air attentif, approchait près de l’une de ses oreilles ses mains animées de mouvements d’une vélocité indescriptible, comme si elle écoutait de la musique de ses doigts, secouant la tête avec dépit quand survenait quelque chose comme une fausse note. Ou ce petit garçon qui, dès qu’un avion était en vue et qu’on l’entendait vrombir, donnait les signes de la plus grande frayeur.

Le présent ouvrage, qui est le prolongement du précédent, “L’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage” (Aubier), pose un regard neuf sur ces enfants séparés du monde et dont le destin se fige vers l’âge de 2 ans.  Car si ces enfants ne sont jamais entrés dans le “monde des gens”, explique Henri Rey-Flaud, c’est qu’ils ont été frappés d’une indicible peur devant son étrangeté et quelquefois sa beauté indéchiffrable.

Au début du XXè siècle, on rapprocha les autistes des schizophrènes, mais en 1943, le  pédopsychiatre américain Léon Kanner fit de l’autisme un trouble non psychotique, d’origine plutôt organique.  De grands cliniciens du monde anglophone comme Bruno Bettelheim ou Frances Tustin s’employèrent par la suite à définir l’origine psychique de ce dysfonctionnement, mais actuellement la tendance va vers une causalité génétique de l’autisme, décelable scientifiquement.

Le psychanalyste Henri Rey-Flaud préfère rester au plus près de la réalité vécue pour  comprendre et expliquer  l’univers psychique de ces enfants mutiques, placés dans un monde de souffrance, de silence et de rituels insolites, et qui semblent pourtant habités par un génie fulgurant.

Henri Rey-Flaud, psychanalyse, est professeur de littérature et de psychanalyse à l’université Montpellier III. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont La Vérité. Entre psychanalyse et philosophie, en collaboration avec Michel Plon (Erès, 2007); Et Moïse créa les Juifs… Le testament de Freud (Aubier, 2006); Le Démenti pervers, le refoulé et l’oublié (Aubier, 2002); Le Sphinx et le Graal (Payot, 1998); L’Eloge du rien (Le Seuil, 1996). Ses recherches sur l’autisme ont débuté au début des années 1990.

La thèse de ce livre est simple : l’autisme est la réaction de retrait manifestée par des enfants qui, à la naissance, ont été la proie d’une indicible peur qui s’est installée et les a maintenus au fil des années sous son emprise. Cette peur, Henri Rey-Flaud l’a identifiée : c’est pour l’enfant la hantise d’être anéanti s’il venait à s’établir, par le regard, la voix ou le toucher, une relation avec l’Autre.  Sous le coup de cette menace terrifiante, l’autiste adopte une position de retrait, qui le tient à l’écart de toute communication, de tout contact, l’oblige à détourner son regard, à retenir sa voix.  Mais la forteresse dans laquelle il se replie n’est pas vide : craignant d’être englouti par un néant fatal, un guetteur veille en permanence, un œil tourné vers l’intérieur et l’autre vers le monde.  

Dès lors, l’autisme n’apparaît plus comme une maladie ni comme un handicap mais comme une position de réticence énigmatique à l’égard de l’Autre.
La mise en évidence de la logique secrète qui régit ces conduites dégage de fructueuses perspectives thérapeutiques qui permettent d’envisager l’ouverture des portes de la citadelle.
C’est cette aventure que Henri Rey-Flaud nous propose.

Annik Bianchini

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