Michèle Faivre-Jussiaux (II) Secrets de vie, secrets de mort, Lecture d’un conte russe, Vassilissa-la-très-belle

Préface de Marcel Eydoux, Editions des Crépuscules, 2014, 64 p. 18€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Psychanalyste, Annik Bianchini Depeint collabore, en tant que journaliste, à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle a enseigné au Centre culturel français de Rome. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, dans le domaine de la psychanalyse et des sciences humaines.

Si doucement le soir se fond dans la nuit
Qu’on peut à peine dire le jour fini.
Emily Brontë

« Il était une fois un marchand
qui avait une fille unique :
Vassilissa – la-très-belle ».

Chaque conte est une aventure, surgie de nulle part, un récit merveilleux, mais aussi la mise en scène de notre vie et de nos désirs. Les contes traduisent des impressions en images, des intentions en mouvement. Ils se structurent en adéquation avec la logique du rêve. Mais dans les contes de fées comme dans les rêves, rien n’arrive au hasard.

La femme du marchand meurt, alors que sa fille va sur ses huit ans. Reste un don de la mère : une poupée aux pouvoirs surnaturels. Mère symbolique en effigie, réduite au format d’un porte-bonheur. Le père se remarie. Il choisit une femme, veuve comme lui, avec deux filles de l’âge de la sienne. La femme et ses filles sont jalouses de Vassilissa. Elles la tourmentent.

Mais plus Vassilissa grandissait, plus elle embellissait. De quoi est donc faite la beauté de Vassilissa ? Le trio infernal s’acharne à observer, cependant, il n’y a rien à voir. La marâtre et ses filles ne savent pas que la véritable beauté est de l’ordre de l’invisible.  De l’ordre d’un secret, que Vassilissa leur dissimule, soustrait à leur regard.

Michèle Faivre-Jussiaux, écrivain et psychanalyste à Besançon, a cherché, à travers ses livres, à dérouler le fil rouge de l’écriture qui lui a permis de transmettre son expérience clinique. « Secrets de vie, secrets de mort, Lecture d’un conte russe, Vassilissa-la-très-belle » est paru, en première édition, aux Editions Calligrammes, en 1989. L’auteur  a publié « L’Enfant lumière » (Payot et Rivages, 1995), « Portrait de groupe avec analyste » (Erès, 2005), « La salle d’attente de mon psychanalyste » (Erès, 2010), et de nombreux articles psychanalytiques. Michèle Faivre -Jussiaux nous a quittés au mois de  décembre 2010.

Les chemins intérieurs sont-ils moins réels que ceux dont l’existence est attestée par des relevés précis ? Michèle Faivre-Jussiaux réécrit le conte, le fait vibrer dans toutes ses harmoniques, l’interprète. Une manière de le raconter à nouveau, d’en faire surgir le fantastique, l’inquiétante étrangeté.

Une question traverse ce conte russe, celle du regard. Le non-vu. L’histoire de Vassilissa parvient à changer, par le rêve, le visage de l’impossible, à jeter sur le récit un voile tissé avec art. C’est ce voile que Michèle Faivre-Jussiaux a essayé de soulever, ici et là, non pour voir mais pour lire.

Voici le tsar amoureux d’un voile si fin qu’une toile pareille n’a pas de prix.  Dans les doigts de Vassilissa, l’aiguille vole.  Impalpable objet.  Précieux  « à n’en pas croire les yeux ».  Vassilissa est au bout d’un voyage. Heureuse dans un rêve rêvé d’avance. Ce qui se passe dedans est là, dehors, dans le mouvement de « l’amour retrouvé vers l’amour oublié, secret de vie qui anime la vie d’une femme ».

« Et toute sa vie,
la tsarine Vassilissa
porta sa poupée sur elle,
dans sa poche »

Annik Bianchini

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