Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis |
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“Que réclame la petite fille de sa mère ?”, Sigmund Freud, Sur la sexualité féminine, 1931. “La femme semble attendre comme femme plus de substance de sa mère que de son père”, Jacques Lacan, L’étourdit, Scilicet, 1972. Une question parcourt cet ouvrage : comment une femme constitue-t-elle sa féminité à partir de la façon dont sa mère a forgé la sienne ? Car entre mère et fille plane toujours l’énigme de la sexualité féminine. N’a-t-on pas déjà tout dit sur la question ? Dans sa préface, Aldo Naouri observe qu’il n’avait jamais eu connaissance jusque-là d’un ouvrage posant aussi directement aux intéressées la question sur le mode d’une interrogation aussi nette : “Qu’est-ce qu’une fille attend de sa mère ?” |
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L’enjeu est de taille. “On ne naît pas femme, on le devient“, disait Simone de Beauvoir, et de cette relation de la fille avec sa mère dépend en grande partie sa future vie de femme et l’établissement de cette identité féminine. Mais il y a autant de façons de devenir femme qu’il y a de femmes. C’est pourquoi chaque femme est unique et singulière. Malvine Zalcberg est psychologue, psychanalyste et docteur en psychanalyse. Elle vit entre la France et le Brésil où elle est également professeur adjoint à l’Institut de psychologie de l’Université de l’Etat de Rio de Janeiro. Auteur d’ouvrages destinés au grand public et aux professionnels, elle donne de nombreuses conférences à travers le monde. Dans la relation d’une mère avec sa fille, où s’entrelacent de façon particulière les registres de l’amour, du désir et de la jouissance, on observe fréquemment ce que Freud appelle une “catastrophe” et Lacan un “ravage” : une difficulté ou un empêchement, pour la fille, d’accéder à son destin de femme. C’est ainsi que le pouvoir d’une mère sur sa fille, de par sa double fonction maternelle ou féminine, peut-être dévastateur ou, au contraire, lui permettre de s’épanouir. Il arrive, à un moment de leur vie, où une mère et sa fille ont besoin de comprendre la nature des relations, le plus souvent passionnelles, qui les lient l’une à l’autre. Ni trop proches, ni trop éloignées, comment s’en sortir ? Comprendre sa féminité, faire l’inventaire de l’héritage maternel, trouver le point d’équilibre entre identification et autonomie : telles sont, parmi d’autres, les pistes de réflexion que propose l’auteur. Tout ce qu’une femme peut transmettre, indique Malvine Zalcberg, c’est le fait qu’elle n’ait pas renoncé à cultiver son côté féminin. Car la future vie de femme de l’enfant en dépend. Selon Malvine Zalcberg, seule la mère qui a trouvé sa place comme femme, en se prêtant au jeu de la “mascarade”, selon la formule de Lacan, et en se créant une identification féminine, sera en condition, non seulement d’aimer sa fille, mais surtout de lui ouvrir la voie vers une expérience complète de la féminité. Car telle est la signification que prend dans l’enseignement de Lacan le concept de mascarade : créer une féminité possible. La mascarade indique à la femme qu’elle est d’autant plus désirable que son manque, couvert par un voile, suggère plus qu’il ne montre. Le voile sur ce mystère ne pouvant être en partie levé que si la mère désire son partenaire et veut être désirée de lui. “C’est comme et avec la mère que la fillette constitue subjectivement sa féminité”, indique l’auteur. Il n’y a pas de savoir transmissible de la féminité et il appartient à chaque femme de se la créer. Sachant que seule une véritable séparation de corps et de sexualité entre deux femmes rapprochera le plus exactement mère et fille. Un ouvrage édifiant, au langage clair et théorique, qui n’hésite pas à exposer des cas cliniques, et qui s’adresse aux lectrices et aux lecteurs, familiarisés ou non avec la psychanalyse. Annik Bianchini |