Manifeste pour la psychanalyse

Sophie Aouillé, Pierre Bruno, Franck Chaumon, Guy Lérès, Michel Plon & Erik Porge, ... La Fabrique Editions, 2010, 152 pages, 14€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

La psychanalyse est une découverte jeune. Mais si elle a largement pénétré le tissu social, elle semble, aujourd’hui, avoir perdu une partie de son crédit.
Quelle est la spécificité de la psychanalyse par rapport aux nombreuses formes de psychothérapies ? Quelle est sa place dans la société actuelle ? Quelle avenir peut-elle avoir dans un monde où elle a suscité méfiance ou tentatives de rejet ?

Cet ouvrage collectif propose un état des lieux du mouvement psychanalytique et une réflexion sur ce qui fait la singularité et la richesse de l’expérience analytique.

Les auteurs retracent deux moments forts où la psychanalyse s’est trouvée en danger de disparition, ou dénaturée. En 1926, au moment où Freud rédige la question de l’analyse profane, suite à une plainte portée contre Théodore Reik, qui n’était pas médecin et fut accusé d’avoir usurpé de cette qualité, en prenant un patient en analyse. En 2004, avec l’“article 52”, adopté après proposition du député Bernard Accoyer. Cette loi de santé publique, sous couvert de protéger le public des “charlatans”, consiste à réglementer l’usage du titre de psychanalyste sur celui de psychothérapeute. Ce qui menace la psychanalyse n’étant plus tant, dès lors, de se voir exclure par la médecine que de se voir inclure dans la psychologie; discipline pour laquelle l’acte se déduit d’une cognition, et où l’inconscient, pierre angulaire de la psychanalyse, vise à être éradiqué. Un humain sans symptôme, une civilisation sans refoulement, n’est-ce pas une utopie ?

 

De nombreux psychanalystes ont souhaité ou accepté, en échange d’un statut officiel, que la psychanalyse soit intégrée dans le marché des psychothérapies régulé par l’Etat. Mais d’autres psychanalystes refusent de sacrifier la singularité de la pratique analytique. L’ambition des auteurs du “Manifeste pour la psychanalyse” est de créer un espace politique où il deviendrait possible de débattre non pas de la place de la psychanalyse dans la cité, mais de la place de la cité dans la psychanalyse, afin que l’impact insurrectionnel de la découverte freudienne et de sa refonte lacanienne ne soit pas perdu mais au contraire revivifié.

La spécificité de la psychanalyse est , d’après la Cour d’appel de Paris de 2006 “la règle fondamentale, du côté du patient, de dire tout ce qui lui vient à l’esprit, la contrepartie de cette exigence de sincérité qui pèse sur le patient se trouvant dans la discrétion absolue du psychanalyste (…). Le psychanalyste doit avoir lui-même fait l’expérience d’une analyse, poussée le plus loin possible.

La question du “pourquoi devenir analyste”est au cœur de la formation du psychanalyste, que les auteurs préfèrent dénommer “passage de l’analysant au psychanalyste”, à cause de son caractère inédit et singulier. Un analyste ne peut advenir qu’à partir de sa cure. Cette caractéristique essentielle de la formation du psychanalyste et de sa transmission ne peut pas être dispensée par une école, ni par une université, ni par une association de psychanalyse. Ce n’est pas une formation professionnelle. Selon la formule de Lacan : “Un analyste ne s’autorise que de lui-même… et de quelques autres.” et “nommer quelqu’un comme analyste, personne ne peut le faire et Freud n’en a nommé aucun”(Autres écrits).

Il s’agit, ici, de reconnaître la nature du lien entre la cure et la culture, et de discerner, dans toutes ses dimensions, la portée civilisatrice de la psychanalyse.

Annik Bianchini

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