Ce livre tente d’analyser notre société contemporaine à l’aide des concepts de la clinique analytique, mélancolie, (le titre) mais aussi et surtout la perversion. Il parle ainsi de la « pulsion sécuritaire »
Ses analyses des difficultés des sujets contemporains sont intéressantes et fouillées. L’auteur revient aux textes de Freud, de Lacan et d’autres, italiens pour la plupart comme Bottiroli, (que je ne connais pas) de Bassaglia (que je connais un peu). Des exemples cliniques viennent illustrer le propos et à ce titre, ca se lit bien. L’auteur revient souvent sur la question de la pulsion de mort et de la polémique que ce terme a produit dans l’histoire de la psychanalyse. C’est même brillant quelque fois.
Maintenant, l’hypothèse même de cette réflexion me dérange : il passe si facilement du champ de l’individu au champ du social, osant des formules comme : « l’hyperhédonisme du discours capitaliste suppose une profonde démassification car l’autisme de la jouissance prévaut sur la force érotique et agrégative de la pulsion ; dans le temps hypermoderne, on trouve au premier plan la multiplication des objets de jouissance ayant la fonction principale d’obturer le vide dépressif, lié à la chute de l’idéal, contrairement à l’identification verticale au chef qui structurait la psychologie collective à l’époque du totalitarisme… il s’agit d’un sorte de dépression diffuse qui engendre une réaction maniacale » ( p74).
Et je suis partagée entre le respect pour une analyse pertinente du malaise dans la civilisation d’aujourd’hui, et la méfiance devant ces raccourcis. Le lecteur jugera.
Et une petite remarque à la traductrice, « maniacale » est un mot italien qui n’existe pas en français, et qui se traduit par « maniaque » ce qu’elle ne fait pas souvent. Ça déroute quelque fois la lecture !
Jeanne Lafont, psychanalyste, psychothérapeute. Mes livres : Chez Point hors ligne, Topologie ordinaire de Jacques Lacan, 1986; Topologie lacanienne et clinique analytique, 1990. Les pratiques sociales en dette de la psychanalyse, 1994. Chez EFEdition. Les dessins des enfants qui commencent à parler, 2001; Six pratiques sociales, (livre collectif), 2006; La langue comme espace, 2015.