Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis |
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Dans ce livre, Paul Audi, philosophe, fait, par un curieux détour, une lecture entrecroisée, d’une part des écrits de Jacques Lacan et d’autre part d’un roman d’Alfred Jarry paru en 1902, le “Surmâle”. “L’amour est un acte sans importance puisqu’on peut le faire indéfiniment”, telle est la phrase énoncée en ouverture du Surmâle, phrase pivot du présent ouvrage, dont Paul Audi a fait un théorème, en une formulation paradoxale, le Théorème du Surmâle. Le “Surmâle”, ce personnage de fiction inventé par Jarry, et capable de faire l’amour plus de quatre-vingts fois d’affilée avec une même femme. Il ne s’agit pas ici d’un essai sur Lacan ni sur Jarry, mais plutôt sur le réel de l’amour. Paul Audi écrit dans l’introduction : “Les œuvres les plus faciles ne sont pas forcément les plus simples à comprendre; et inversement, les œuvres les plus pénibles ne sont pas obligatoirement les plus difficiles à décrypter. Cette remarque s’applique tout particulièrement aux deux œuvres citées, dans l’ordre qu’on imagine”. |
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L’auteur explore les apories de l’amour physique, cette répétition mécanique où la poursuite de la jouissance tourne à vide, et l’émerveillement de l’amour qui est amour de l’autre pour lui-même. La problématique du livre résidant en ceci : le basculement de la sexualité dans l’amour , l’engendrement de l’amour depuis l’acte sexuel. Pour mener son analyse, l’auteur résume ainsi la fameuse thèse de Lacan, dans le Livre XX du Séminaire intitulé “Encore” : “Quand on aime, il ne s’agit pas de sexe”, l’amour étant ce qui supplée au rapport sexuel, lequel n’existe pas. Jacques Lacan et Alfred Jarry sont convoqués ici et plaident tous deux pour une revalorisation de l’amour. Mais que signifie faire l’amour ? Qu’est-ce qu’un amour qui est du domaine du faire ? Que faisons-nous exactement quand il nous arrive de faire l’amour ? Faisons-nous vraiment l’amour quand nous faisons l’amour ? En faisant l’amour, disait Lacan, on ne fait que parler, on est dans le signifiant. Cet ouvrage tente de répondre à ce que Paul Audi appelle aujourd’hui la “très profonde crise de l’amour”. Il montre que la valeur de l’amour est relative à l’insignifiance que l’on peut porter à l’acte sexuel. Pour cela, il procède à la distinction entre le désir sexuel et ce que Lacan appelait “la vraie amour”. Annik Bianchini |