Pierre Bruno Une psychanalyse : du rébus au rebut

Éditions Érès, 2013 - 464 p., 30€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Psychanalyste, membre du Cercle Freudien et du Salon Œdipe, journaliste, Annik Bianchini Depeint collabore à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle a enseigné au Centre culturel français de Rome. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, dans le domaine de la psychanalyse et des sciences humaines.

« Toute lecture est une expérience, si ce n’est, quand elle n’est pas vaine, une aventure. La lecture d’un livre de psychanalyse, si l’on entend par là, de façon idéale, parvenir à son intelligence de part en part, s’inscrit de la même façon qu’une cure dans une perspective temporelle longue », écrit Pierre Bruno dans les premières lignes de son livre. Il n’y a pas de savoir psychanalytique, mais plutôt, dit l’auteur, « un savoir déposé », un savoir du psychanalyste.

Accueillir le symptôme, et non le traquer, dénouer le fantasme, et non l’entretenir sont les deux axes de la direction d’une cure. La cure analytique amène au déchiffrement de l’inconscient. L’analysant se retrouve rebut de ce déchiffrement, et c’est dans cette position qu’il trouve une satisfaction. L’auteur étudie, point par point, les différentes dimensions de cette expérience analytique.

Pierre Bruno est psychanalyste à Paris, membre de l’Association de Psychanalyse Jacques Lacan (APJL). Il est le créateur et le directeur de la revue Barca ! Poésie, politique, psychanalyse et directeur de la revue Psychanalyse (Érès).

L’ouvrage, qui s’adresse également à un public non averti du vocabulaire psychanalytique, est ordonné en cinq parties claires qui cernent les points essentiels.
Sont abordés dans le chapitre « La chose clinique et le psychanalyste en actes », la question de la psychose, de la dépersonnalisation, de l’inquiétante étrangeté, et dans celui intitulé « Passes », au pluriel, les messages marquant les singularités de l’expérience de la passe… cette procédure qui a pour but de savoir si la cure pourra toucher à sa fin, et à partir de laquelle se joue le destin du transfert.
L’une des autres parties est consacrée à l’assujettissement : la névrose, la psychose et la perversion étant les trois formes qui assujettissent. Assujettir, indique l’auteur, désigne la constitution d’un sujet syncopé à cause du contrechamp de l’inconscient. Ce contrechamp est définitivement inaccessible, à cette réserve près que, une fois cernée la raison de cet irrémédiable, il est permis au sujet de choisir son symptôme pour boussole.

Ce livre suit un fil, celui du symptôme. La conception psychanalytique du symptôme est définie ici comme le marqueur, ou le stigmate dans sa forme pathologique, du Non-rapport sexuel. Mais on sait que le symptôme prend une variété de formes qui ne font pas liste finie. On pourrait dire, explique Pierre Bruno, que ce qui qualifie un symptôme est qu’il puisse céder à l’interprétation, révélant ainsi en quoi le côté vérité du sujet y est pris; l’autre côté étant, comme savoir, le symptôme lui-même, et non l’autre côté du sujet, puisque le sujet n’en a qu’un seul.

Un certain nombre de pages sont consacrées à la perversion. Pierre Bruno prend, quant à la perversion, et notamment au sadisme, deux grandes références à Lacan : « Kant avec Sade », et une série de leçons dans le séminaire « D’un Autre à l’autre », plus quelques notations sur le masochisme. Y est par exemple retracée la question du vrai qui se fait passer pour faux et du faux pour vrai, à partir d’un cas rapporté par Joyce MacDougall et de deux romans, « l’Anglais décrit dans le château fermé » de André Pyere de Mandiargues et « Histoire d’Ô » de Pauline Réage.

Cet ouvrage, d’une écriture à la fois rigoureuse et claire, renvoie à des notes précises tout en prenant appui sur des références littéraires et des épisodes cliniques.

Annik Bianchini

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