Richard Abibon Scène primitive

Une enquête psychanalytique sur l'origine L'Harmattan, 2011, 245pages, 23€

Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis

Journaliste, Annik Bianchini Depeint a enseigné au Centre culturel français de Rome. Elle collabore régulièrement à “Actualité en France”, la revue d’information du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ses publications sont orientées, par priorité, sur les auteurs et les événements alliant connaissance et recherche, notamment dans le domaine des sciences humaines et de la psychanalyse.

Dans “Die Traumdeutung”, Freud, l’inventeur de la psychanalyse, dit, en se référant à Hildebrandt, que celui-ci a surement raison d’affirmer que toutes les images de rêve s’expliqueraient pour nous génétiquement si chaque fois nous mettions suffisamment à profit temps et concentration pour retracer leur provenance. Freud, en citant Hildebrandt, explique que celui-ci nomme cela “une affaire extrêmement laborieuse et ingrate. Car cela aboutirait la plupart du temps à dénicher dans les coins les plus reculés de cette chambre qu’est la mémoire toutes sortes de choses sans aucune valeur psychique, à remettre au jour toutes sortes de moments totalement indifférents issus d’un temps depuis longtemps passé, en les tirant de l’ensevelissement que leur avait peut-être déjà fait subir l’heure suivante”. C’est la voie qu’a choisi Richard Abibon pour le conduire au centre de l’explication de ses rêves.

Le rêve est la voie royale d’accès à l’inconscient. Pour chaque rêveur, l’expérience du rêve est particulière, intime, étrange. Dans cet ouvrage, Richard Abibon se met en scène, explorant son propre accès à l’inconscient.

Je cite :“Une porte s’ouvre dans la falaise : un grand trou qui vient confirmer l’hypothèse sexuelle de la série des petits trous. Or, c’est mon frère qui est à l’origine de ce grand trou… La menace que je ressens, c’est la menace de castration que mes frères ne se privaient pas pour mettre à exécution sous forme métaphorique ou non. Mais je la retrouve évidemment chez n’importe quelle femme. Je me sens menacé et peut-être que je fais les bêtises pour me faire rejeter, en me donnant ainsi l’illusion que ça vient de l’autre”.

Le présent ouvrage avait initialement pour titre “Ma scène primitive”, et par voie de conséquence, probablement, “Une enquête psychanalytique sur mon origine”. La scène primitive étant ce lieu où le sujet situe sa propre venue au monde. Où il   retrouve l’accès à son fondement.

Je cite : “La première impression de la scène primitive avait été perçue comme une agression par identification à ma mère… La castration était figurée par la jambe qui risquait de casser, puis comme le rejet de la basket contenant la source du sentiment : la vue du sexe de ma mère, le blanc de la poudre hallucinatoire à la place du noir de café… J’ai rabattu l’illusion d’un phallus invisible sur le noir des poils qui de leur faible érection à la surface de la peau blanche, tentaient de compenser la perte. Les rêves en rendaient compte de la manière les plus diverses : présence obstinée de personnages noirs, érection de grues ou de fils noirs…”.

Richard Abibon écrit à la première personne. Il se situe au cœur de l’intime. Et pour cela, il n’hésite pas à se dévoiler. A parler de soi, dans son rapport à l’autre qui est là, à l’autre qui est son interlocuteur, ici et maintenant.

Je cite : “Sans doute connaissez-vous le de profundis morpionibus ? «…». Mes frères en étaient les spécialistes (de la chanson paillarde). Que le lecteur me pardonne ces mentions et ces souvenirs peu ragoutant, mais si on n’en parle pas lorsqu’on parle de psychanalyse, où donc en parlera-t-on ?”.

Le sujet, c’est celui qui parle. Et l’auteur parle, même si c’est par la voie de l’écrit. Il s’adresse au public, en ce lieu du Grand Autre. Mais peu importe que ce dernier entende ou pas. L’intérêt étant qu’à l’occasion Richard Abibon s’entende.

Je cite : “Aux obsèques de mon père, ça oui, je me suis mis en valeur, je me suis appuyé sur lui pour être quelqu’un qui prend la parole devant tout le monde dans l’église”.

Richard Abibon rapproche la scène primitive et la passe, comme le début et la fin, la rencontre de l’Autre et la sortie de cure, comme ce moment topologique où une coupure se recoupe.

Je cite : “L’interprétation opère comme une coupure le long de son bord (c’est-à-dire en longeant un bord, pourvu que ce ne soit pas au milieu)… Un rêve m’avait réveillé : j’aurais subi, à un âge très tendre un viol de la part de mes frères, de onze ans plus âgés que moi”.

Chaque rêve, pour l’auteur, n’est qu’une pièce d’un puzzle. Procédant comme un détective, il suit la piste de ses propre rêves à partir d’une question ; “Ai-je été victime du viol de mes frères dans mon enfance ?” Est-ce fantasme ou réalité ?  S’agit-il, dans cet ouvrage, de la mise en scène d’un fantasme ?

Psychanalyste, Richard Abibon se consacre notamment à la construction de nouveaux outils topologiques à même de favoriser la transmission de la psychanalyse et l’élaboration d’une théorie fondée sur la pratique, articulant transfert et analyse des rêves.

Annik Bianchini

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