Cabinet de lecture : Annik Bianchini nous donne son avis |
|
|
|
|
Peut-on utiliser les outils de la psychanalyse pour comprendre la crise économique actuelle et interpréter « les motifs pulsionnels et irrationnels qui régissent notre comportement en général et notre rapport à l’argent en particulier ? Le livre de René Major, qui traite de la question de la politique des pouvoirs, de la cruauté des rapports entre les puissants et les faibles, les dirigeants et les dirigés, convoque le travail de Freud et Lacan, mais aussi la pensée de Marx, Bataille, Baudrillard, Keynes, Derrida, Nietzsche ou Baudelaire, afin d’expliquer comment l’économie des échanges mercantiles, autant que celle de l’inconscient, sont interdépendantes. « Tel l’inconscient, l’économie est structurée comme un langage, dont les signifiants traduisent les passions qui l’animent » indique René Major. L’un et l’autre sont façonnés par une parole arrimée aux désirs corporels. C’est en suivant la crise économique mondiale déclenchée en 2008 que l’auteur montre comment l’économie de marché a développé une sorte de maladie auto-immune, qui transforme une économie de dette en une économie de sacrifice. René Major est psychiatre et psychanalyste, québécois d’origine, devenu Français. Il a été directeur de l’Institut de psychanalyse de Paris de la Société psychanalytique de Paris, et directeur de programme au Collège international de philosophie de Paris. Il a fondé et dirige l’Institut des hautes études en psychanalyse (IHEP). Dans son sens originel, l’économie (oikonomos) représente l’ensemble des règles (nomos) que suscite la gestion de la maison (oïkos) ou du foyer. De là, celles-ci pouvaient s’étendre à l’ensemble des structures familiales, l’éducation des enfants, les rapports entre les sexes, l’échange, l’agriculture… Depuis, le sens de « économie » s’est réduit et ne désigne que la gestion des rapports qui passent par l’argent, la production ou la marchandise. Dans son ouvrage, René Major montre comment, aujourd’hui, l’ultra-libéralisme débridé et les pouvoirs financiers mettent en œuvre l’économie pulsionnelle décrite par Freud. Mais avant, il rappelle qu’il est déjà question d’économie dans l’inconscient puisque celui-ci « calcule et calcule à une vitesse inouïe, faisant feu, comme en témoigne le rêve, de tout investissement et contre-investissement, des substitutions et déplacements, de lieux, de personnes, d’images, selon la demande et l’offre pulsionnelles ». Ainsi, la crise mondiale de l’économie reposerait sur une « économie libidinale particulière », mettant en jeu les pulsions de mort, mais aussi les « pulsions partielles, orale, anale, phallique et génitale ». Annik Bianchini |