André Agard-Marechal « Un lézard dans le jardin »

Éditions Thierry Marchaisse, Paris 2011

Patrick BELAMICH
Psychanalyste, membre du Cercle Freudien et de l’association Oedipe le Salon .

Patrick Belamich a lu « Un lézard dans le jardin »

« Cette histoire est vraie puisque je l’ai inventée » disait Boris Vian à propos d’un de ses livres.

Un des privilèges du romancier est de pouvoir se glisser, s’insinuer dans des points aveugles de l’histoire, de la grande et des petites, dans les zones d’ombre à jamais énigmatiques, dans des interrogations pour toujours en suspens. Depuis ce  réel encrypté, ombiliqué, le romancier peut nous ouvrir, grâce à son imagination, vers des mondes inexplorés. Et, si le talent vient se mêler à l’entreprise, le lecteur ne peut qu’adhérer à la véracité du récit. Un autre de ses privilèges est de pouvoir se jouer du temps de le dilater, de le condenser ou de le superposer.

Par tous ces procédés, et bien d’autres, au travers de son écriture, le romancier nous ouvre, à nous lecteur, vers  un nouvel espace-temps, sur une autre scène.

André Agard est psychanalyste et auteur de plusieurs essais tirés de son expérience Clinique (1). Dans ce premier roman, c’est par ces procédés qu’il s’attaque à l’énigme de la mort d’un psychiatre, sous les traits duquel on peut reconnaitre Gaëtan Gatian de Clérambault psychiatre aliéniste, photographe et théoricien du pli et qui fut un maitre pour Jacques Lacan. Pourquoi et comment est mort réellement ce psychiatre? C’est vers ces questions que l’intrigue nous conduit.

Thriller dans le huis clos d’une clinique psychiatrique, l’affaire se noue autour d’une pièce de théâtre, L’été de Romain Weingarten, montée par les pensionnaires et une partie du personnel.

Laissons à chacun le plaisir de découvrir les méandres, les différents plis et replis qui font l’étoffe de cette histoire.

À partir de cette intrigue et la mise en scène des différents personnages, un aspect de ce livre, et pas des moindres, est de nous interroger sur la folie. Sur sa part créatrice, son inventivité  et, également, sur la place qui peut lui être accordée par chaque époque. « Dis-moi comment tu traites tes fous, je te dirai qui tu es ». Questions brûlantes dans la période que nous traversons. Au bout du compte le traitement de la folie ne serait-il pas un traitement social? Ce traitement ne constitue-t-il pas un enjeu politique majeur de nos sociétés et de notre humanité ? Comment faire œuvre depuis la folie?

Dans le mouvement de ce récit il y a un parcours qui nous mènerait de la psychiatrie aliéniste, que l’on finirait aujourd’hui presque par regretter, à la psychothérapie institutionnelle.

De de Clérambault à Oury, de Sainte Anne à La Borde tel est le chemin de ce roman.

Patrick Belamich.

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(1) Il aurait pu être bon élève, Albin-Michel, Paris 2005 ; Dans les silences des mères, Albin-Michel, Paris 2007 ; La nécessité du chagrin d’amour, Epel, Paris 2009

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