Fabienne Ankaoua, psychanalyste, dramaturge, Membre fondateur d’Instance et membre du Cercle Freudien. |
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« J’ai mal à ma mère », ou plutôt « j’ai mâle àma mère », pourrait résumer toute l’oeuvre de Nelly Arcan. Fille de personne, exilée de la parole, se reniant elle-même, elle attendait infiniment, indéfiniment devant la porte fermée de sa mère. Elle ne trouvait refuge que dans l’écriture, romanesque et psychanalytique. Des romans où la putain était à l’oeuvre, livrée à l’homme pétrie par ses mains et aspergée de son sperme, jusqu’au mémoire sur Schreber et son coït divin, il n’y a qu’un pas. Chienne, belle et blonde, élève brillante, jamais vulgaire, elle se réfugie dans son corps. Ce corps qu’elle exhibe, anorexique, désirable, étranger à elle-même, est le seul à ne pas la trahir. « Une traversée sauvage de l’image (…) l’identification absolue du sujet à ce à quoi il se réduit pouvant faire passer celui-ci dans une précipitation suicide », au sens où nous l’a enseigné Lacan dans le séminaire L’Angoisse, tel fut le destin de Nelly ne pouvant échapper à sa honte. C’est ainsi qu’Anouchka d’Anna analyse avec beaucoup de finesse ce ravage. C’est la question que nous pose Anouchka d’Anna, avec une acuité toujours renouvelée. Quand on est fille, « pas-toute-phallique », comment faire avec cette jouissance Autre, hors langage ? Comment s’y repérer quand, comme elle, on tangue comme un Navire night durassien ? Exilée donc d’elle-même et de l’ordre patriarcal fondé sur le primat du phallus, elle cherchera au travers de sa vie, obscure, un recours qu’elle ne rencontrera jamais. Tel un nourrisson hilflos comment ne serait-elle pas restée enfermée dans une détresse primordiale ? Impuissante à se constituer comme sujet et à devenir sujet désirant. Fabienne Ankaoua |
Anouchka d’Anna Nelly Arcan, la Putain Lacanienne
Le continent noir de la mélancolie Editions des crépuscules, 2021