Ambrogio GALBIATI (Février 2002)

  L’intensité de cette peinture tient à sa grande simplicité et clarté. Elle est simple parce que les moyens qu’elle utilise sont les moyens les plus simples dont le peintre dispose, et qu’ils sont, de ce fait, montrés dans leur proposition ultime. La question que le peintre a dû se poser ultérieurement a été de savoir comment préserver les découvertes de 82/83 avec la même simplicité qui les avait permises. La préoccupation de l’hiver 83/84 a été de matérialiser, en lui faisant gagner de l’étendue, le système de naissance de la couleur mis en place auparavant : ce qui se produisait localement dans le tableau orphique – la vision comme commencement – devait se généraliser sur la toile en une multiple fragmentation de la couleur. Cette fragmentation permettait de transposer le rapport vision-interruption obtenu précédemment à même le flux coloré. Tout en gagnant en surface, ce fonctionnement provoquait le surgissement simultané de plusieurs autres questions qui devaient se préciser et se résoudre par la suite dans les œuvres que le peintre a appelées CONVERSATIONS. Ainsi se révélait déjà tout ce que le format contenait d’arbitraire, ne suggérant qu’un prélèvement dans une surface qui aurait pu tout aussi bien être illimitée. Implicitement les œuvres de 83/84 interrogeaient la nécessité du blanc : la zone blanche qui caractérisait le tableau orphique avait-elle sa juste mesure, ou bien était-il possible de la réduire ou de l’élargir ? La production des années 85-87 procède logiquement : suppression progressive du blanc, élargissement des zones colorées, déplacement et renversement des effets obtenus, par le moyen de papiers collés, conduisent à la multiplication du tableau en triptyque. Il est remarquable que ces saturations insistent sur l’importance, dès ce moment, de restituer l’espace à la couleur. Un désir manifeste de découper correspond ici à la tentative de donner à la couleur sa forme. On constate que, sous l’aspect de problèmes ayant trait plus directement au champ pictural, se présente ce qui constitue, à mon avis, le problème essentiel que les CONVERSATIONS s’occupent de préciser selon un principe dialogique. A savoir que dans le voyage orphique que l’œil effectuait dans la peinture, une image, dans sa structure de séparation et de naissance, subsistait en la mémoire, qui était comme la reconstitution du corps, comme la première approche de ce qui en moi participe de la volonté de voir ou se confond avec elle ; un antécédent de moi-même qui n’est ni vraiment en moi, ni vraiment là sur le tableau, mais qui a pour conséquence de me rendre le tableau réel, de supprimer l’illusion. Cette image qui appartenait à la mémoire, cette image sans surface, les CONVERSATIONS ont tenté de la faire transiter du virtuel au visible. Les CONVERSATiONS et les tout derniers travaux de 89 montrent à quel point un tel passage ne peut avoir lieu que dans la mesure où il est possible de définir l’identité de la couleur. Les peintures découpées de 89 opèrent un rapprochement violent par lequel le processus d’identification de l’œil avec l’image s’affirme. La couleur nous cite ici littéralement comme témoins. Cette violence provient de ce que le fond inexistant hante la couleur et la propulse en avant contradictoirement à la dynamique latérale plane que produit la découpe. Comme Si cette découpe mise en contradiction, inapte à saisir véritablement le contour de la couleur, était de ce fait à même de restituer un écho de ce que cache la couleur.

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