L’Invité : mardi 9 avril 2002

Anne LE BIHAN pour son livre "Etre bien dans le mal Baudelaire, Huysmans, Bataille" Editions Champ lacanien Présentation par Philippe Beucké

 

Voilà trois écrivains qui récusent l’entreprise du bonheur humain selon l’expression de Baudelaire et chacun à sa façon se faisant le théoricien de son expérience subjective quand au « bonheur dans le mal  » (oserais-je dire) autre manière de dire son arrangement avec la jouissance.

Mais déjà formuler ainsi, c’est aller vite. Certes c’est le fil conducteur de votre ouvrage. Nous montrer comment le discours Freudien prend appui sur tout un contexte culturel, moral dont la littérature fait partie.

En prenant appui sur l’oeuvre de Huysmans et de Baudelaire et Bataille dans ses points de rencontre avec ces deux écrivains sur la question du mal, vous dégagez plusieurs temps, précisément ce qui était alors mystique, érotique va être déjoué par Bataille et Huysmans. Ils exploitent le lien de l’horreur à la jouissance, de la jouissance à la mort. Le discours Freudien lui, avec la conceptualisation du principe de plaisir renverse complètement cette notion de bonheur dans le mal (Malaise). Il découvre une vérité cachée, déniée. : le penchant inné de l’homme au mal, à la destruction, à la cruauté. Finie la Pastorale. Reste que, posant l’existence d’une pulsion de mort, s’imposant pour lui de par l’expérience analytique et non par quelque comportement, il faudra Lacan et sa relecture de Freud, pour pousser plus avant avec le concept de jouissance ce que Freud avait ouvert. Apparaît alors le principe de plaisir comme barrière à la jouissance, jouissance devant laquelle le sujet recule et néanmoins à laquelle il aspire soulignant un peu plus en quoi la psychanalyse se dégage d’une morale pour se spécifier d’une éthique bien spécifique.

Ce qui du politique déjà présent chez ces écrivains (Baudelaire et ses écrits sur l’art) est évidemment réévalué avec la jouissance. Qu’est-ce alors le lien social ?
A présenter ainsi, je m’aperçois que j’en arriverais à oublier les écrivains que la psychanalyse a pu savoir lire, en tout cas ce que vous faites rigoureusement.

Difficile à partir de cette présentation générale, de tirer quelques fils dans un travail si serré, et ce en évitant toute répétition ou réduction. Trois axes pour soutenir votre travail :

– Baudelaire, une subversion éthique
De sa poésie qui installe le mal, il interrogera, tenant un discours théorique en interrogeant le mal, et une critique virulente sur l’éthique du bien.

– Huysmans, dans le champ de l’érotique de la mystique, il explore ce bonheur dans le mal, établissant un lien, une équivalence entre le mal et le féminin  : énigme et fascination de la jouissance féminine, obscénité et dégoût du corps.
– Huysmans, encore, ré-interrogera ce qu’il en est d’une infiltration de la psychiatrie (fin XIX° siècle) et sa théorie de sa dégénérescence dans la littérature.

Question éminemment éthique : des auteurs pensent et théorisent « le bonheur dans le mal » avant que la psychanalyse ne le conceptualise, ce après Freud, avec Lacan d’une manière totalement radicale.
Il ne nous reste plus qu’à vous suivre, relire Huysmans, Baudelaire, Bataille, mais avant, si vous le voulez bien, quelques questions :

Pourquoi pas Sade ?
Le masochisme ?
Lacan évoquait le contexte de crise mentale d’où est sorti le freudisme, un terme me
semble alors mis de côté : la culpabilité ?

Philippe Beucké

   
     
     
     
 
       

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.