Alain Lemosof Une après-midi d’analyse

Editeur Campagne Première, 2015

Florence Reznik,
Psychologue clinicienne et Psychanalyste, membre de la SPF-Société de psychanalyse freudienne.
Fondatrice et présidente de l’Association ECART-psy, travaille à l’hôpital Esquirol à Saint-Maurice où elle anime un séminaire de réflexion clinique depuis 1990.
Enseigne à l’Ecole de Psychologues Praticiens à Paris.
Auteure de nombreux articles.

Alain Lemosof propose avec Une après-midi d’analyse, une lecture par l’intérieur, des mouvements subjectifs qui opèrent dans une analyse.
Par l’intérieur car il s’agit de saisir à la fois les deux versants, celui du psychanalyste comme celui de l’analysant, sans confondre les champs ni les places, et de confronter les doutes de l’un aux interrogations de l’autre. Le procédé est original et écrit dans un style vivant. Lors du premier chapitre, le lecteur découvre l’analyste et les patients qui se succèdent dans son cabinet. Puis un chapitre est consacré à chacun de ces mêmes patients, quelques mois, ou quelques années plus tôt, lors de leur décision d’entreprendre une analyse. Présent et passé se renvoient l’un à l’autre, l’auteur suit ainsi la démarche analytique, faite d’allers-retours permanents dans le temps et  l’histoire particulière du sujet, entre l’enfance, la mémoire et l’actuel

Le psychanalyste fait entendre ses interrogations fondamentales, concernant les sujets qui nous confient une part de leur existence souvent pour longtemps, notamment celle-ci : serai-je à la hauteur de cette tâche ? La question éthique est posée d’emblée. Le psychanalyste Vincent Siluvni va témoigner des dilemmes, des doutes qui l’animent, et de son implication dans le travail singulier à effectuer avec ses analysants, puis comment leurs paroles résonnent en lui.

Comment entendre ce langage si particulier qui s’exprime à travers les formations de l’inconscient, les lapsus, les actes manqués, les rêves, et comment analyser en restant au plus près des dires du patient. Sont également abordés les problèmes plus sensibles liés à l’argent, au paiement des séances manquées, ainsi que les sentiments éprouvés parfois par le psychanalyste, tels que l’exaspération, la fatigue. Le souci d’être garant de « la parole dite et de ses conséquences, au risque d’une parole engagée » est présent.

L’auteur montre de quelle manière les liens associatifs se produisent, se tissent, s’exploitent, et il sépare dans les mouvements du transfert, ce que le patient énonce pour faire plaisir à son analyste, et ce qu’il en est de la vérité de sa parole.

Il accorde aussi une attention extrême aux petits détails ; il y a les imperceptibles modifications de l’humeur, du timbre de la voix, les postures physiques, le silence, tous les signes à entendre et à reprendre dans la cure. Il insiste sur le temps nécessaire pour faire advenir le sujet à sa vie. Je cite : « il songea au chemin parcouru, au temps nécessaire pour se dégager, chacun avec ses mots propres, des rails qui conduisent toujours à la même gare, sans avenir, et où l’on cherche inconsciemment à amener inexorablement l’autre, il fallait du temps ».

Siluvni n’hésite pas à s’exposer à l’auto critique avec humour, quand il souligne les tics du psychanalyste, et de rappeler que l’analyste a été auparavant analysé lui aussi. « Le rappel en soi que l’on est passé par là ». Cette phrase m’évoque le propos du psychiatre Samuel Lajeunesse, qui énonçait : « entre interne et interné il n’y a souvent, que l’épaisseur d’un accent aigu ».

L’auteur joue avec les rôles et donne la parole à ses analysants. Nous pourrons percevoir leurs doutes, angoisses, peurs, mécanismes de défenses, et les raisons conscientes et inconscientes qui les ont conduits à entreprendre une analyse.

C’est une fiction nous avertit Alain Lemosof.
Mais pas seulement : entre fiction et vérité, chaque psychanalyste, pourra je crois, se reconnaître, s’identifier à tous ces temps et mouvements psychiques inhérents au travail de l’analyse.

Siluvni est-il un ovni ? Présente-t-il une vision idéalisée de la psychanalyse ou de ce que serait le psychanalyste idéal?
Je ne le pense pas non plus. Nous aurons pu mesurer, grâce à cette après-midi d’analyse la responsabilité du travail de l’analyste car l’analyse est « sans fin », c’est-à-dire qu’elle produit des effets la vie durant, sur tous les protagonistes de cette expérience.

« Pas une étude de cas mais une étude de cures » précise Alain Lemosof, et il souligne l’importance d’humaniser simplement ce qui se passe entre l’un et l’autre, de respecter la réalité psychique, la réalité matérielle, et le sujet avant tout. Un travail toujours sur le fil du rasoir, entre dire et taire, s’avancer, sortir parfois de la neutralité et inventer. Maintenir en permanence notre psychisme sur le vif.

A une époque où la psychanalyse est parfois remise en question, Alain Lemosof, fait entendre de quoi est constitué ce difficile voire « impossible métier » comme l’avait énoncé Freud. Il contribue à redonner espoir en la parole et ses effets sur l’existence.

Florence REZNIK

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