L’Invitée : mardi 10 mars 2009

Claude MAILLARD pour son livre "La Grande Révolte" Le tragique de la technique Frénésie Editions Présentation Delia Kohen


Claude Maillard

Je remercie sincèrement Claude Maillard d’avoir accepté cette invitation. Je l’entends comme un véritable témoignage d’amitié de travail de sa part. Se risquer et s’offrir à un face à face dans l’ordinaire de nos conversations au Salon témoigne de la confiance  qu’elle nous fait.
Tenter d’aller à la rencontre de l’œuvre de Claude Maillard et plus précisément ce soir de « La grande révolte, le tragique de la technique », nous met dans un embarras fécond qui renouvelle les questions de la psychanalyse et de son écriture.

 

 

 

 

 


Henry Fontana

Claude Maillard déconstruit le livre, la lecture et l’écriture. Elle a son style et sa méthode. Elle bouscule les codes habituels. Chez elle, le « corps du texte » est inséparable du « corps du livre ». Ce qui lui a valu cette année d’avoir été sélectionnée avec ce livre parmi les quelques plus beaux livres pour son graphisme, sa mise en page.
Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard que nous recevions Claude Maillard cette année au Salon. Les lignes semblent avoir bougé Je ne sais pas vers quoi nous nous dirigeons, est-ce les effets du nomadisme – Venise, Istanbul, les langues étrangères. Cette année déjà deux livres d’un accès difficile dans leur matérialité : le livre de Giovanni Sias, psychanalyste italien qui n’a pas encore été traduit en français dont Jacqueline Massola et Annick Bianchini ont été les passeuses. Avec « La Grande Révolte », un remue- ménage dans les librairies- un livre absent dans le circuit marchand, une sorte d’introuvable consultable à la librairie des Argonautes rue de Seine à Paris.
En 2002, pour le prix Oedipe Claude Maillard avais soutenu « Le corps des Larmes » d’Olivier Grignon. Elle écrivait « Mais qu’est-ce qu’un livre pour un analyste. Que fait-on à écrire? A qui écrit-on, d’où que ça écrit d’un autre texte qui ne s’écrit pas mais fait que ça se livre. Texte en dessous du texte permettant ce soir qu’elle, cette femme parle. »
Claude Maillard a sur nous un temps d’avance. Elle a depuis longtemps pris la mesure du malaise qui menace, en témoignent  tous ses écrits. Le progrès et la modernité l’intéressent bien sûr, mais elle en remarque aussi avec force les limites.
La langue, les langues, sont depuis toujours son champ d’exploration comme écrivain et comme psychanalyste. Pierre Jacerme définit cette écriture comme une écriture « babélienne » dans « La canopée malaise » (Editions Frénésie) « cette scène serait celle d’une certaine écriture, non la grammaticale, mais celle qui toucherait aux racines des langues, à l’assaut du langage ».
Quels sont les effets sur la langue des nouvelles technologies avec le tournant produit par le virtuel, les logiciels, le numérique aujourd’hui? Claude Maillard cherche avec acharnement et insistance à saisir dans quelle dimension se déploie et baigne la langue. Elle se demande vers quel nouveau Topos nous nous orientons. Où est le sujet dans cet espace-temps? L’homme perdrait-il ses repères de langue dans ces nouveaux espaces? Claude Maillard s’interroge « avec une pensée vive et guerrière ».
A la psychanalyse, elle y tient plus que tout, mais c’est avec les armes de l’artiste qu’elle s’avance, au plus vif des questions théoriques que Freud et Lacan nous ont léguées.
Qui mieux qu’elle a tenté de faire entendre aux psychanalystes ce avec quoi ils opèrent, la parole mais pas sans « la voix« , cet objet que Lacan a rajouté à la série des objets. Elle lui donne toute sa portée.
Un regard aigu sur le monde et un fond de révolte traverse son travail. Ecrivain, Médecin et psychanalyste, elle repère toujours avec justesse ce qui met à mal le corps, le déshumanise. Esprit en éveil, ce qui malmène l’humain ne peut la laisser sans paroles d’ecrirure.
Ce livre lumineux est un cri. Cris silencieux de la révolte; pas question que l’homme soit et reste soumis à la Méga machinerie des machines des soi-disant bons soins.
Ecoutons-la:  » En quelle langue le dire. Trouver cette langue pour que les cris muets et les appels inentendus de celles et ceux qui subissent les tortures des machines de la médicalerie labellée bien public prennent voie de la grande Révolte »
« Nu jusqu’au désespoir. Infiniment nu. Nu, à n’en pas mourir. »
« Que cette image d’un homme luttant seul contre la machinerie des machines nous emplissent les yeux, le nez, la bouche, les oreilles, d’une vision effroyable. »
Tel est l’écriture bouleversante de Claude Maillard dans ce livre, accompagné d’un CD où elle fait entendre sa voix.
Claude Maillard n’avance pas seule dans ses traversées et ses aventures d’écriture. Elle a des compagnons de route. Des textes s’échangent qui font partie du corps du livre.
Dans « La grande révolte », un texte de Pierre Jacerbe  « Urgence », Pierre Boismenu avec « Insurrection », René Major avec « Massada Evanessa ».
Il est temps maintenant de lui donner la parole et de l’entendre

Delia Kohen


Delia Kohen
 
Delia Kohen, Jean-Luc Chamroux et Claude Maillard
 

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