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Voici un livre qui nous réveille, par les temps qui courent c’est en soi une bonne chose ! Il nous réveille, plus, il nous secoue dans nos trop hâtives certitudes freudiennes. Il nous invite à une autre lecture de Freud. C’est là, Claude, ton art, ton savoir-écrire ce pas de côté, ce permanent décalage qui ouvre dans le texte freudien d’autres compréhensions riches de questions. Preuve s’il en faut la question des pères. D’emblée, refusant ce soit-disant « déclin des pères », déclin de l’autorité paternelle tel qu’il peut être annoncé, ressassé dans notre monde psychanalytique, tu y préfères, à la suite de Freud, souligner la frénésie avec laquelle ils s’accrochent à leur puissance despotique. Alors comment civiliser cette |
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brutalité ? Germe naturel d’hostilité entre pères et fils. Une autre père-version se donne à lire dans cette approche du complexe d’Œdipe. Frénésie des pères qui dans des effets récurrents d’un retour du refoulé voit les pères sacrifier les fils aux « dieux obscurs ». Mais si Freud dénonce la piété filiale comme un leurre, son indulgence à l’égard du père – à la mort du sien – nous laisse entendre combien il y a une complicité hostile entre pères et fils et exclusion des femmes. Ce cramponnement des pères, c’est celui du cramponnement à la puissance maternelle déchue. |
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C’est là certes une présentation rapide des deux premiers chapitres. Néanmoins je pense qu’elle donne un aperçu de ta lecture rigoureuse et novatrice de Freud. Distinguant et tressant refoulement et déni, cela te permet de nous ouvrir à des questions essentielles. Ton style élégant, vif, laisse cependant percevoir toute la tension en jeu dans tes propos, tension bien perceptible dans la lecture. Comment penser le déni ? Comment traiter un événement comme non arrivé ? Il va nous falloir supposer alors à côté de l’enregistrement des traces mnésiques la possibilité d’un flux qui ne laisse pas de traces et permet donc de traiter l’événement comme non advenu. |
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Capacité de fuite de la mémoire vers un retour en arrière. Au-delà des traces mnésiques, mémorielles qui fondent les pulsions partielles, il y a une pulsion illimitée, non localisée : la pulsion de mort. Le déni dans toute sa force met en question la présence du sujet qui vacille entre rêve et réalité. Sorte de trouble de mémoire, « ce que je vois là n’est point réel », ainsi en est-il du statut du phallus maternel. Le déni substitue un trouble à la place d’une identité. |
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Fort de cette lecture, ta pensée se déploie dans toute son audace pour reformuler ce fameux « roc de la castration ». S’agit-il de chercher dans la différence anatomique des sexes un réel absolu, incontournable fondement du sujet et de la vie bonne, normale dirais-je, comme s’y emploient certains analystes ? Actualité du propos, vous entendez ce qui se joue là… le roc n’est-il pas plus que la différence des sexes, réel incontournable certes, ce qui unit les deux sexes dans un même refus du féminin, combat contre la passivité masochiste prêtée au caractère féminin ? L’angoisse de castration comme position commune aux deux sexes, qui se ramène à la position passive de soumission au désir de l’Autre, nous permet d’entendre autrement. Le roc ultime serait la pulsion de mort comme soumission à ce désir. Il convient de renverser l’ordre : ce n’est pas le réel de la différence qui fonde symbolique et imaginaire, mais bien symbolique et imaginaire qu’il faut concevoir à l’origine de notre conception du réel sexuel. |
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Dégager la psychanalyse des impasses anatomo-biologiques (comme le souligne P. Belamich dans la quatrième de couverture) permet alors ce que tu déclarais peu avant ces pages relatives au roc de la castration, d’aller à l’encontre « de tout espoir de réguler l’intimité sexuelle de chacun dans un ordre sexuel en fonction d’une normativité de la différence des sexes posée en principe universel et en réel ultime ». C’est dire que le symbolique est registre et non pas ordre. Il faut aussi mesurer l’impact d’une telle proposition dans sa dimension politique et éthique. La clinique des dites « perversions » est rafraîchie ! |
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Philippe Beucké |
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L’Invité du 11 décembre 2012 – Claude RABANT pour
Hermann, 2012 Présentation Philippe Beucké