Dominique Platier-Zeitoun

"Vieillir… Des psychanalystes parlent. Un désir qui dure." José Polard, et Jacky Azoulay, photographe Édition ERES 2009

Didier BROMBERG à lu

Médecin psychiatre de l’Hôpital Maison Blanche.
Psychiatries, 1997, Éditorial, Présentation

 

« Vieillir… » ce mot claque comme un rappel à l’ordre : il pose la question du temps de vivre qui se réduit comme une peau de chagrin, il annonce des souffrances physiques et voit poindre l’ombre de la décrépitude. Il est aussi associé, quand l’âge vient, aux bilans de vie, avec ses angoisses d’échecs et ses réussites… l’avenir restreint condamne souvent à un examen de conscience avec des conclusions assassines; il n’est qu’à se souvenir de la sentence du Général De Gaulle sur « la vieillesse comme un naufrage… »

L’âge serait-il donc un excès de lucidité ? Ou la fin de l’Histoire, avec un grand H ?

Peut-on alors en parler différemment et de façon aussi définitive quand votre métier est justement de se plonger aux tréfonds de l’histoire individuelle ? Ou autrement dit, la psychanalyse protège-t-elle contre l’usure du temps, les patients et les psychanalystes, vieillissant ?

C’est à cette question que s’est attachée à répondre Dominique Platier-Zeitoun dans son nouveau livre : »Vieillir… ». Sous forme d’interviews, elle et José Polard interrogent sur ce sujet, 19 analystes, hommes et femmes, volontaires sains, choisis en fonction de leurs expériences et de leurs âges. Ils ont répondu, avec sincérité et laissent parfois paraitre leurs failles, mais ils restent, malgré tout, sur un terrain professionnel, au sens où ils parlent le plus souvent de leur travail de psychanalyste, et des aménagements du cadre.

La majorité d’entre eux, hésite à prendre de nouveaux analysants, cependant pour certains la tentation est grande, ils ont une meilleure écoute, une plus grande « humilité » et plus de « disponibilité » (A.ANZIEU) et surtout « certains découvrent et développent une liberté de pensée et d’agir, déliée des contraintes qui ont été les leurs, auparavant… » (B.BRUSSET) Cette reconnaissance de la nécessité d’ouvrir le cadre analytique s’exprime sous deux formes différentes soit par une nouvelle théorisation (B.THIS) soit par un changement plus structural et plus radical : la psychanalyse aurait pris « un coup de vieux » et serait « à refonder » avec une nouvelle génération. Cette historicité de la psychanalyse, mise en avant par P.JEAMMET, interroge A. de MIJOLLA sur la « gérontocratie » qui gouverne les Sociétés Savantes; aussi est-ce en historien qu’il souhaite désormais agir.

Ainsi, peu de praticiens envisagent la retraite, de façon aussi remarquable qu’A.CORDIE, revendiquant une vie personnelle, dans laquelle être « analyste est un moment de sa vie… » et H.DANON-BOILEAU qui programme la fin de son activité, d’une manière « stoïcienne » pour se préparer à « autre chose ». En vérité, prendre sa retraite est « une infamie », une « mise au rebut », alors que rien ne le justifie, si physiquement ou intellectuellement cela est encore possible, R.DADOUN l’énonce clairement. Cette image négative, renvoyée par les autres est prégnante dans la « Lettre au coiffeur » de D.DIATKINE, sur la « couleur » du temps.

L’analyse est l’accompagnement d’une vie précise J.DUPONT, et R.CAHN complète, en écho « qu’il serait vraiment dommage qu’il s’arrête maintenant… » sous-entendant par là qu’il serait enfin arrivé à aller à l’essentiel.

Serait-il alors « sain », comme le recommande C.DUMEZIL « de mettre l’âge entre parenthèse »? En effet, l’analyse demeure une activité créatrice, et « écouter un analysant, une forme de sublimation » (M.MONTRELAY), la psychanalyse serait donc « hors du temps » (C.STEIN).

Le temps semble être le maitre mot de ces biographies, mais il reste dans une opposition entre le vécu subjectif de chacun et l’horloge biologique. Cependant, d’après tous ces récits qui sont des condensés de vie, le travail de psychanalyste apparait comme « jubilatoire », il est un long parcours d’un analysant à analyste, avec tous les écueils d’une vie… et certains aimeraient encore profité de leur expérience, sans pour cela arrêter le temps, car sans « ça », ils seraient morts, en pleine vie.

Cette possibilité de prolonger son travail, donnerait la capacité de continuer de vivre, selon sa volonté, libérant ainsi le psychanalyste du poids de la dette sociale pour voler de ses propres ailes… après Œdipe, le complexe d’Icare serait-il un nouveau « challenge » ?

Monsieur X nous invite à cette question. L’analyse serait une ascèse, donc le travail de toute une vie…

Didier BROMBERG

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