Etty Buzyn « Quand l’enfant nous délivre du passé »

Editions Odile Jacob

Max Kohn, Univ Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, CRPMS, EA 3522, 75013 – Paris, France, psychanalyste membre d’Espace analytique.

Site : www.maxkohn.com

Max Kohn a lu « Quand l’enfant nous délivre du passé »(1)

Etty Buzyn est psychologue clinicienne, psychanalyste formée à la psychothérapie mère-bébé par Françoise Dolto. Elle travaille avec les parents et leurs enfants depuis de nombreuses années et a écrit plusieurs livres sur la relation parents-enfants.(2)

Dans son nouveau livre, Etty Buzyn nous parle de sa vie dans la première partie « Sur les chemins de la mémoire ». Dans la deuxième partie « Soigner l’enfant et sa mère », elle expose un certain nombre de situations cliniques auxquelles elle a été confrontée. Enfin, la troisième partie est intitulée « Soigner l’enfant d’un adulte ».

Etty Buzyn a travaillé au service de réanimation néonatale où la prise en charge psychothérapeutique mère-bébé avait rencontré au début bien des résistances.
C’est un livre marqué aussi par les relations entre l’auteur et Françoise Dolto. Elle raconte par exemple cette scène étonnante où, étant malade, Françoise Dolto ne recevait plus beaucoup de personnes en analyse ou en contrôle. Etty Buzyn lui téléphone pour lui demander un contrôle et Dolto lui demande pourquoi la choisir, elle. Etty Buzyn répond : « Parce que si vous n’étiez pas Françoise Dolto, Françoise Dolto ce serait moi. » « Ne quittez pas, je vais chercher mon agenda » lui répond Françoise Dolto.

Etty Buzyn analyse cela comme étant lié à la perception par Dolto de l’identification où elle était par rapport à elle. On peut laisser les choses ouvertes. Il y a sans doute là quelque chose de l’ordre d’une impérieuse nécessité qui a dû être entendu.

Les épisodes de la vie personnelle d’Etty Buzyn et de sa famille sont évoqués dans ce livre. En particulier de deux événements elle réalise une association. Le premier est la mort du jeune frère de sa mère. Et le second se produit lorsqu’ à l’âge de 3 ans Etty Buzyn, debout sur une chaise devant l’évier de sa cuisine joue avec l’eau. Sa mère se hisse sur la pointe des pieds pour attraper un hachoir mais celui-ci lui échappe et tombe sur le crâne d’Etty avant de finir sur le carrelage. Elle saigne et sa mère l’emmène à l’hôpital. Le hachoir avait miraculeusement rebondit sur sa tête sans y pénétrer.

Un jour elle se retrouve aussi enfant face à un soldat allemand qui lui demande : « Où est ton père ? » Elle est pétrifiée de peur et répond qu’il est mort à la guerre, ce qui était faux. Marie Lacroix, qui s’occupe d’elle, prétend qu’elle est l’un de ses petits-enfants. On remarque la figure de ses parents qui lui ont dit de veiller à ne jamais dépendre des autres et à ne jamais abolir sa liberté. La vie a quitté son père trente ans avant sa mère. Etty Buzyn vient de perdre sa mère et en parle à la fin du livre d’une manière émouvante. Elle parle également d’une fille, Irène, qu’elle a connu à l’âge de 4 ans, et dont elle a retrouvé la photo avant qu’elle soit déportée.

Sur le plan de la pratique, il s’agit pour elle, lorsqu’elle intervient en tant que pyschothérapeute qui fait des thérapies brèves mère-enfant, de s’interposer entre la mère et l’enfant pour recevoir les angoisses infantiles de la mère et soulager le bébé de son rôle de thérapeute. Parce que l’enfant est sensible aux problèmes et aux besoins de ses parents, il peut devenir leur médecin, leur psychiatre, leur psychanalyste comme le dit Alice Doumic(3).

Le livre d’Etty Buzyn concerne donc un cadre très particulier où l’analyste ou le psychothérapeute prend en charge à la place du bébé ce qui peut se passer pour les parents, de manière aussi à soulager les parents comme le bébé de cette situation insurmontable. Parce qu’une analyse doit pouvoir créer les conditions nécessaires pour que les ratés du dialogue mère-bébé ne soient pas transformés en incommunicabilité, il doit s’interposer dans ce duo pour recevoir à la place de l’enfant la projection des angoisses infantiles maternelles. Ces projections sont équivalentes à une remémoration parce que l’on peut revivre à ce moment-là un traumatisme précoce, un deuil qui n’est pas fait, générateurs d’un épisode dépressif assez inaperçu dans l’enfance.

Les photos des sculptures d’Amy Samuelson qui figurent à la fin du livre sont très belles : pour l’une de ses expositions une multitude de têtes de bébés ont été représentées de façon à créer un tout petit peuple. On peut dire que le livre d’Etty Buzyn parle de ce tout petit peuple des bébés.

(1) BUZYN, Etty, Papa, maman, laissez-moi le temps de rêver !, Paris, édition Albin Michel, 1999.
(2) BUZYN, Etty, Me débrouiller, oui, mais pas tout seul. Du bon usage de l’autonomie, Paris, édition Albin Michel, 2001.
BUZYN, Etty, La Nounou, nos enfants et nous, Paris, édition Albin Michel, 2004.
BUZYN, Etty, Je t’aime donc je ne céderai pas !, Paris, édition Albin Michel, 2009.

(3) DOUMIC, Alice, Psychopathologie du premier âge, Paris, PUF, 1975.

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