Frédérique F. Berger SYMPTÔME DE L’ENFANT , ENFANT SYMPTÔME

L’Harmattan collection Etudes psychanalytiques, octobre 2014

Claude Spielmann, psychanalyste membre du Cercle Freudien ; exercice en institutions et en cabinet privé.
Il a publié de nombreux articles dans différentes revues et livres collectifs en France et au Québec. A dirigé un n° spécial de la revue Panoramique : Cent Ans de Divan. Il a dirigé également le livre : Jacques Hassoun… de mémoire (édit. érès) et codirigé (avec Pascale Hassoun) le livre : Jacques Hassoun, Extraits d’une œuvre (L’Harmattan). Un roman, Vos yeux d’absence, parus en 2014, Éditeur La tête à l’envers, lire son passeur …

Le livre de F. Berger mérite d’être dit important pour tous ceux qui ont pris acte des menaces qui pèsent sur la psychanalyse dans un monde menaçant. La psychanalyse n’est pas seule à être sous le coup des menaces, tous ceux en proie à une souffrance psychique notamment le sont. Or, ce travail nous offre les outils théoriques et cliniques pour penser les possibilités qu’un sujet libre et responsable puisse se constituer et du même coup il précise la nature de ces menaces. A ce titre il est un livre politique et inscrit dans le politique. S’il ne propose pas une réponse prête à l’emploi, il montre avec force et clarté ce que doit être la position des psychanalystes pour résister de manière active contre les destructions ambiantes.

Il est politique dans la mesure où l’auteur énonce clairement ce contre quoi nous avons à lutter.
Marie-Jean Sauret, auteur d’une préface très éclairante, le souligne d’ailleurs d’emblée. « Une idéologie pernicieuse, le scientisme, nourrit le faux espoir que la science explique tout… que le néolibéralisme fabriquera tout et que nous jouirons de tout. Dans ce monde-là, n’est plus reconnu que le pouvoir d’une techno-économie qui nous promet de guérir tout manque ». (p 13)

C’est donc sur ce fond politique sans équivoque que F. Berger réhabilite en quelque sorte le symptôme : «il n’est question ni de réduire le symptôme au silence, ni de le faire disparaître car sa fonction est structurante pour le sujet. [Il] est l’être du sujet… son style à nul autre pareil ». (p 125)

 « Le symptôme… n’est pas un échec dans le fonctionnement du sujet et du monde comme le soutient une certaine clinique contemporaine pensée depuis le discours du maître et les psychothérapies qui se sont mises à son service ». (p 121)

Ou encore : « … les traitements modernes du symptôme font subir au sujet, au nom de la techno-science, toute sorte de violences et d’objectivations, empêchant ainsi son appropriation de l’histoire à laquelle il participe ». (p 99)
Elle dénonce avec fermeté la conception du symptôme comme déséquilibre ainsi que les psychothérapies qui, s’appuyant sur le DSM entre autres, cherchent à « corriger » cette « inadaptation », se mettant ainsi « au service du pouvoir médical et politique. Alors que la découverte freudienne… [ noue ] au plus près la particularité du symptôme à l’universel de la structure du sujet ». (p 40)

Mais ce livre est loin d’être un manifeste. C’est en menant une étude fouillée que F. Berger étaye son propos. Il se révèle politique grâce aux développements auxquels elle se livre. Et pour le coup il nous aide à penser notre pratique telle qu’elle devrait être. Sommes-nous certain de savoir clairement pourquoi nous respectons le symptôme ? Ce respect n’est-il pas souvent le résultat d’une conformité dont nous avons oublié les fondements ? Or l’auteur expose précisément ces fondements tels que Freud et Lacan ont pu les établir. Mais elle remonte bien plus avant en étudiant l’histoire même du mot symptôme et ses développements, ses « antécédents étymologiques » depuis la langue grecque. Sans entrer dans les développements de l’auteur je me contenterai d’indiquer ici partiellement l’itinéraire qu’elle nous invite à emprunter. Avec elle, nous situant d’abord dans le champ de la maladie, nous partons de l’antiquité gréco-latine pour faire une pause au XVIII ème siècle qui marque un tournant. Nous rencontrons en chemin les philosophes présocratiques, Hippocrate, Claude  Galien, Melchior-Adam Weickard  qui introduit le terme de psychiatrie, Thomas Sydenham, Pinel, Charcot…

A partir de ces fondements, F. Berger va étudier les avancées progressives de Freud et de Lacan très en détail concernant Le Symptôme puis Le Symptôme de L’enfant pour terminer par, non pas à proprement parlé des études de cas, mais des illustrations théorico-cliniques tirées de sa pratique au Vietnam.  
Dans ce court article qui ne se veut pas un compte-rendu, il n’est pas opportun d’aborder ici dans le détail le travail très précis auquel s’est livrée F. Berger, travail qui nous précisera ce que nous croyons connaître, nous fera découvrir d’autres avancées, articulera et liera d’une manière dynamique la richesse et les développements de la psychanalyse.

Pour toutes ces raisons, il s’agit là d’un livre très actuel, à mon avis indispensable. Il répond de l’intérieur de notre champ à la nécessité de ne pas se laisser soumettre aux différents dictats qui pèsent dangereusement sur nous. De plus, sa structuration et son style, porte en avant notre lecture jusqu’à la conclusion.

Claude Spielmann

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