L’Invité mardi 12 janvier 2010

Gérard Haddad pour son livre "Les Femmes et l'alcool" Editions Grasset 2009 Présentation Delia Kohen


Gérarad Haddad

Gérard Haddad se livre toujours avec la même élégance, son écriture soignée renouvelle le plaisir du lecteur. Son style nous réveille, il ne craint pas d’aller à contre courant et ses propos prêtent au débat.

Comme il aime le dire, il continue de “creuser son sillon », celui de ses premiers livres :  « Les Biblioclastes » et « Manger le livre »-  Rites alimentaires et fonction paternelle.


Delia Kohen

En proposant de mettre le « Livre » à la place du « Père », en l’articulant à « l’être père » et au « désir de la femme », il construit au fil de ses analyses, un habile nouage. Il interroge avec vigueur la question de la procréation, de la transmission et de la survie de l’espèce dans les impasses de la modernité. La libération de la femme et des mœurs, les avancées de la science et des techniques qui mènent à des bricolages génétiques intempestifs, la grande histoire et ses ravages, a bouleversé l’ordre du symbolique. Lisons le : « Qui donc se soucie sérieusement des atteintes portées à ce « gêne » symbolique qui régule la reproduction de notre espèce, pourtant des plus fragiles ?”
Sa lecture du symptôme alcoolique dans « Les Femmes et l’alcool » reprend ses thèmes favoris. Il voit dans l’extension des addictions une conséquence de la débâcle du signifiant paternel dans notre société, débâcle de la pa(ma)ternité, néologisme qu’il invente dans ce livre, débâcle du symbolique et du Livre. La « mort de Dieu » et le discours de la science qui règne en maître.


Claude Rabant

Gérard Haddad fait l’hypothèse qu’une femme peut tomber dans l’alcoolisme quand son partenaire bafoue son désir de maternité. “Une limite est alors franchie, une limite entourant une zone sacrée…..la profanation de cette zone où le destin des hommes et des femmes s’articule, la destruction de cette frontière, apparaissent comme un meurtre d’âme ». Les exemples qu’il cite dans sa clinique et dans la littérature sont extrêmes : avortements à répétions, stérilisation, de véritables ravages qu’un homme ferait subir à la femme aimée. On peut se demander pourquoi une femme s’éprend d’un homme qui ne peut que lui refuser ce désir supposé d’enfant, ce qui en amont dans son histoire la conduit sur cette voie du ravage et du désastre. Gérard Haddad ne manque pas d’en donner des indices dans toutes les situations qu’il évoque.
On peut aussi se demander si ce désir d’enfant chez la femme est aussi impérieux qu’il le prétend. La clinique nous confronte aux impasses et aux butées de ce désir qui, chez certains et certaines, ne peut jamais se réaliser et dans bien des cas, jamais sans souffrance : le sujet s’y résigne pour éviter le pire.


Augène Perla

Un des points très intéressant de ce livre porte sur les réflexions quant à la difficulté de « l’être père masculin ». Au-delà de la frilosité ou de la résistance de beaucoup d’hommes à consentir à ce désir de maternité de la femme « ce désir de désir » et selon même un exégète de la bible, « une réticence congénital à la paternité », la majorité y accède. Le cas des hommes qui opposent un refus radical ouvre à des questions cliniques importantes et difficiles. Il y a là une énigme à traiter. Gerard Haddad reprend certaines élaborations de Lacan dans le Séminaire, livre III, Les Psychoses et apporte là aussi des éclairages intéressants.
Notre auteur dans sa langue poétique conclue. Il enveloppe la femme-mère d’un voile mystique « un habit d’invisible lumière pare la femme. Le lui retirer, c’est lui retirer cette dignité sans laquelle aucune vie ne mérite d’être vécue, et faire d’elle une simple chair. » Gerard Haddad aime les femmes et leur fait confiance: »la poursuite de l’existence de notre espèce repose désormais dans le cœur des femmes ». Il  pousse les hommes gentiment à les suivre….

Delia KOHEN

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.