L’Invité : mardi 8 mai 2007

Gérard HADDAD pour son livre "Le péché originel de la psychanalyse" Editions Seuil Présentation Patrick Belamich

 

Le Talmud-Torah au risque de la psychanalyse ?

Pour Gérard Haddad, Le péché originel de la psychanalyse est l’aboutissement d’un travail entamé il y a 30 ans sur les rapports complexes entre judaïsme et psychanalyse. Cette démarche fut déclenchée par une remarque de Lacan, dans  Radiophonie, sur la similitude entre midrash, qui est l’art de lire, d’étudier et d’interpréter  la Torah et la psychanalyse. Avec le même enthousiasme et les mêmes dons de conteur, l’auteur trouve, dans cet ouvrage, un prolongement, à plus d’un titre, à son livre précédent, Le jour où Lacan m’a adopté : « Dans mon précédent ouvrage, propédeutique à celui-ci, j’ai rapporté ce que fut ma relation à Lacan et ce que le transfert a véhiculé entre nous… C’est désormais à l’aune des textes publiés que nous allons jauger ma thèse… Montrer d’abord comment l’élaboration des concepts lacaniens fondamentaux… porte en elle une réflexion sur le judaïsme… sur son Dieu devant lequel Freud s’est arrêté. »

Dès le titre –Le péché originel de la psychanalyse- apparaît alors un paradoxe qui n’est, peut-être pas étranger au propos latent de ce volume à savoir le judaïsme de Lacan, comme celui de Freud, est un judaïsme déformé par le prisme du catholicisme. Pourquoi avoir choisi cette expression « péché originel » pour interroger ce qui chez Freud n’a jamais été analyser c’est à dire son rapport au Dieu des juifs et au judaïsme ?  Certes, cette expression est due à Lacan, mais Gérard Haddad la reprend à son compte et en fait le titre de son livre. Or, si la notion de péché existe bien dans le judaïsme, l’idée de -péché originel- est une idée chrétienne avancée par Saint Augustin

Lacan serait parti d’une part du judaïsme non-analysée chez Freud.

D’ailleurs, Freud en convenait bien volontiers. Dans la préface à l’édition hébraïque de Totem et Tabou il s’interroge sur ce qui est encore juif chez lui. Sans renier l’appartenance à son peuple, il est totalement détaché de la religion, il ne partage pas les idéaux nationalistes et il ne parle pas la langue. Sa réponse était la suivante : « Encore beaucoup de choses, et probablement l’essentiel » et il ajoutait qu’à l’heure actuelle il était incapable de le formuler en termes clairs, mais sûrement qu’un jour ce sera accessible à la compréhension scientifique.Il concluait en étant : «  convaincu que la science exempte de préjugés ne peut rester étrangère à l’esprit du judaïsme moderne ».

Ceci serait le point de départ de Lacan de l’inanalysé chez Freud.

Ce livre apparaît alors comme un travail de recherche précis et précieux, une étude critique complète dans l’œuvre de Lacan, de toutes les occurrences où il est question du judaïsme en interrogeant le lien mystérieux entre la psychanalyse et la ‘chose juive’ c’est à dire entre la psychanalyse et un judaïsme bouleversé par la modernité dont Freud serait un  représentants.

Il s’agit d’une d’enquête qui apporte des éléments sur les sources du judaïsme de Lacan. GH met en évidence les ambiguïtés de Lacan pris entre identification et critique le conduisant à comparer sa situation  à celle de Spinoza au moment de son exclusion de l’IPA. L’auteur, par un travail d’enquête, souligne l’inspiration kabbalistique du judaïsme de Lacan. Ses sources sont dans la Kabbale. Mais, c’est justement là, qu’apparaissent les réserves de GH.

Or, si Lacan a insisté sur les champs de rencontre entre le savoir psychanalytique et le judaïsme, sur une « mise en question » du judaïsme au sein de la psychanalyse, son projet « s’est perdu dans les sables » de la kabbale et des kabbalistes sur lesquels il s’appuya.

Selon Gérard Haddad, la voie de la Kabbale est trop porteuse de sens et trop envahi d’imaginaire. Il préfère celle de Maïmonide – et de son commentateur contemporain Leibowitz – dans le Livre des égarés, appelé également Livre des perplexes qui renvoie au non-sens, à ce que Dieu n’est pas, c’est-à-dire, à une théologie apophatique, une théologie négative opposée à toute mystique.

Au bout du compte, ce « ratage » de la doctrine lacanienne, sa mise en avant dans ce livre constitue, pour Gérard Haddad, un dénouement post mortem de son transfert à Lacan.

La critique faite à Lacan de ne pas s’appuyer sur cette conception du judaïsme, de ne pas avoir ainsi« mis en question le judaïsme » amène plusieurs interrogations : Préconiser pour la psychanalyse une démarche qui rechercherait essentiellement à se définir sur ce qu’elle n’est pas, ne l’entraînerait-elle pas vers l’écueil d’un glissement sans fin ? Face à une extrème dé-corporisation, qu’en est-il de la livre de chaire ?

Dans le dénouement du transfert n’y-a-t-il pas nécessité de rencontrer une certaine matérialité qui renverrait à la matérialité du signifiant, à sa part concrète telle qu’on peut la rencontrer par exemple dans les rêves ? Ne s’agirait-il pas alors, de ce que Lacan aurait attrapé quand il parle de lettre voire de Nœud Borroméen ?

Et, enfin, le judaïsme n’est-il pas une mystique de la lettre

Patrick Belamich

   
 
   
 
   
 
   
 
   
 
     

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