L’Invitée : mardi 8 avril 2008

Geneviève MOREL pour son livre "La loi de la mère" Essai sur le syntome sexuel Editions Anthropos Présentation Philippe Beucké

 

 

Sortir de l’assujettissement à ce que vous appelez « la loi de la mère », c’est-à-dire ce qui des mots chargés de plaisir et de souffrance, lesquels s‘impriment dans l’inconscient de l’enfant, viennent alors modeler symptômes et fantasmes, équivoques langagières, équivoques de « lalangue », qui peuvent aussi faire l’ambiguïté sexuelle de l’enfant. Le sinthome tel que Lacan nous l’a proposé pourrait être une réponse singulière, individuelle, permettant au sujet de se dégager de cet assujettissement.

Ce livre prolonge et développe plus fortement ce que vous aviez déjà théorisé dans votre ouvrage précédent, « Ambiguïtés sexuelles ». Séparation, donc, qui se ferait sans le père éventuellement, voire même mieux, dites-vous, le sinthome serait aussi réponse à cette éventuelle ambiguïté sexuelle.

Je précise cela, puisque penser le sinthome comme vous le lisez et théorisez, c’est tenter également d’apporter des réponses politiques à des questions de société : homoparentalité, adoption. La lecture serrée que vous faites des séminaires de Lacan, ceux de son dernier enseignement, permettent d’éclaircir certains points difficiles : ainsi cette partition du symbolique entre symbole et symptôme ; le symbole, insistez-vous abolissant le symptôme.

Pousser les conséquences cliniques de la trouvaille de Lacan, celle du sinthome, a l’avantage de réfuter radicalement l’affirmation selon laquelle « la sexuation d’un individu serait fixée une fois pour toutes par le Nom du Père », c’est me semble-t-il, le « une fois pour toute » que vous contestez. En ce sens, vous prolongez l’énoncé de Lacan, à partir de sa lecture de Joyce : « le Nom du Père, on peut s’en passer à condition de s’en servir ». Il ne s’agit donc pas de balayer ce qui a été appelé la lecture structuraliste de l’Œdipe freudien que Lacan établit, mais simplement penser que cette lecture n’est pas suffisante pour répondre à certains sujets, point forcément psychotiques. Ne pas faire du Nom du père un repère normatif !

Je ne reprendrai pas les cas cliniques qui émaillent votre texte, car le risque de les réduire serait trop grand. Soulignons qu’un de leur mérite est de bien nous faire saisir l’aspect créatif, l’invention du sinthome qui ne passe pas par l’identification (au sens oedipien) mais dans un « savoir y faire » avec son symptôme, ce pour se dégager de répétitions mortifères.

Quelques questions : Pourquoi « loi de la mère » et non pas « parole de mère », car si vous soulignez que la carence n’est pas forcément celle du père, qu’il n’y a pas quelque chose d’universel qu’on puisse nommer « la Loi », qu’il y a seulement des paroles légiférantes, que nous sommes parlés bien avant notre naissance (les parlêtres de Lacan), est-ce vraiment la loi de la mère, le père y participant peu ou prou, ne serait-ce pas plutôt la loi d’un sans loi, celle d’un caprice maternel ?

Autre plan, celui qui peut largement nous intéresser : votre critique du fantasme fondamental au regard de la fin de l’analyse. Laquelle à partir des dernières avancées de Lacan ne se définit plus par rapport au fantasme, à la traversée du fantasme mais par l’identification au symptôme. Ce n’est plus le fantasme qui occupe la place du réel mais le symptôme « qui est la seule chose vraiment réelle ». Y a-t-il nécessairement l’une solution à l’exclusion de l’autre, ou bien le sinthome englobe-t-il le fantasme fondamental ?

Enfin envisager la transmission par le prolongement du symptôme, grâce au sinthome qui supporte les relations du sujet aux autres, vous fait repenser la transmission entre parents et enfants autrement mais aussi celle entre analyste et analysant. Le symptôme ne disparaît pas en fin de cure mais se réduit au sinthome, invention que l’analysant emprunterait à l’analyste ; ce sinthome répondrait à la carence de l’analyste, non point dans une identification à un trait unaire de celui-ci, donc une identification à l’analyste (ce que Lacan a toujours décrié) mais serait invention qui prolonge le symptôme de l’analyste. Ma question : quid de la passe ?

Philippe Beucké

   
 

 

   
 

 

   
 

 

   
 

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