Le livre de Gilbert Diatkine m’a particulièrement intéressée et émue par sa vivacité, sa luminosité et la liberté de penser qui l’habite.
Il s’agit d’un écrit rare qui se penche sur notre engagement d’analystes dans l’accueil des patients d’aujourd’hui, un public souvent exigeant et désemparé, confus, dans un monde en transformation encore agrippé à de vieilles convictions et à leurs systèmes de défense.
Depuis la découverte de la méthode analytique, voie d’accès à la compréhension de l’inconscient, Gilbert Diatkine en suit le cheminement depuis Freud jusqu’à ses derniers développements méthodologiques. Il analyse avec une grande précision les variations du cadre mises en œuvre par les successeurs de Freud les plus talentueux, comme Winnicott, Bion, Lacan, Green.
Une attention particulière est portée à l’auto-analyse de Freud qu’il a pu pratiquer grâce aux liens féconds avec ses interlocuteurs privilégiés, amis et analystes, au moyen de l’écriture comme support des échanges.
L’essentiel dans l’analyse, nous rappelle l’auteur, est la possibilité du déploiement du processus analytique, dans le cadre qui le borde, partagé par les deux sujets en présence, l’analyste et l’analysant.
Il revient sur l’importance des mots, du cadre, de l’attente patiente, de l’interprétation qui permet la levée du refoulement, celle, inattendue, qui survient dans la parole de l’analyste, le mot qui se présente à lui grâce à ses associations, conscientes ou inconscientes. La valeur d’une interprétation se constate lorsque quelque chose se produit par la suite, une reprise d’associations, une modification, des changements …
Il s’agit de regarder ensemble, analyste et analysant, le fonctionnement psychique, dans l’actualisation du transfert, dans l’espace de la séance et au-delà, voire au-delà de la cure. L’acquisition d’une capacité d’auto-analyse, féconde au-delà de la fin de la cure, est une composante essentielle du processus analytique, par l’intériorisation de l’objet analyste, d’abord objet externe qui devient objet interne, avec lequel le sujet dialogue. Les écrivains nous ont montré comment l’adresse à un interlocuteur privilégié permet de rentrer à l’intérieur de soi.
Ainsi, la valeur thérapeutique d’une psychanalyse ne tient pas d’abord au respect du dispositif des trois séances par semaine, mais elle tient d’abord à la dynamique du processus analytique. Certes, l’écoute devient plus difficile, plus laborieuse, lorsque la fréquence des séances est réduite, car l’analyste doit retrouver les fils des associations d’une séance à l’autre, sortir du factuel qui revient au-devant de la scène à chaque séance.
L’analyste doit veiller à la façon dont l’interprétationpeut favoriser, empêcher ou retarder le processus analytique.
L’auteur reprend de nombreuses questions qui se posent dans la conduite du processus. Ainsi de la question du temps et de l’argent, celle des analyses en face à face, celle des très longues cures, de l’intérêt de la construction d’un espace de jeu notamment dans le cas des patients border-line. Les analyses à distance interrogent la place du corps, du corps érotique, et des aménagements nécessaires.
Plusieurs chapitres sont consacrés à la question même des conceptions de l’interprétation mises en œuvre par Winnicott, par Lacan et par Green, qui reposent sur des conceptions différentes de l’inconscient, de la pulsion, de la place du langage et de l’affect.
De très nombreuses références cliniques étayent à chaque fois le propos et font du livre de Gilbert Diatkine un outil précieux.
Il conclut par une « lettre à une jeune collègue », qui traduit son souci de s’adresser aux jeunes cliniciens, à leurs hésitations, leurs doutes et à leur transmettre sa fois dans ce métier. Pour ceux qui le lisent, il est à tous égards un interlocuteur de référence. On peut l’en remercier.
Fulvia Castellano, psychanalyste et psychologue clinicienne