Le livre d’Houchang Guilyardi, Somatoses ou psychoses somatiques, paru chez érès, est le fruit d’une longue expérience de la pratique de la psychanalyse, au cœur même du lieu mythique et emblématique s’il en est, au croisement de la médecine et du soin psychique : l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Fondateur et Président de l’Association Psychanalyse et Médecine, Houchang Guilyardi n’a de cesse de travailler à l’élaboration d’une réflexion sur l’articulation du corps et de la psyché, de la médecine et de la psychanalyse.
A la lecture de ce livre très dense, une série de questions émergent, dont certaines peuvent nous entrainer jusqu’à une révision et une réactualisation de notre réflexion sur la question des structures.
Oui rien que ça ! Mais il faut prêter une attention toute particulière à la subtilité et à l’originalité dont l’auteur fait preuve, pour nous entrainer sur cet aventureux chemin.
C’est en effet à une in-quiétude que nous convoque Houchang Guilyardi, in-quiétude, nous obligeant à sortir de notre quiétude, quant à certains de nos repères. L’auteur nous emmène dans une promenade passionnante, allant de découverte en remaniement de notre savoir, l’enrichissant, le développant, souvent le déstructurant pour mieux le restructurer.
Abordant la question des maladies somatiques et de leur avènement, il ne pouvait en être autrement. Nous dépassons peut-être ici pour la première fois, le simple constat du déclenchement de la maladie somatique, en rapport avec des événements de l’ordre du trauma, du réel ou du symbolique, pour en envisager une causalité.
Le néologisme, formé par Houchang Guilyardi, « somatose », assemblage de soma, somatique et de psychose, nouvelle entité psychopathologique, émerge ici, pour désigner une atteinte corporelle, pathologie somatique, issue d’un morcellement physique, venant selon l’auteur, illustrer au mieux, la formule lacanienne « ce qui est refusé dans l’ordre symbolique, au sens de la verwerfung, reparait dans le réel », ce réel survenant avec violence dans le corps.
Salpêtrière oblige, il fallait repasser par le maître du lieu. C’est en effet à un retour à Charcot, que nous convoque Houchang Guilyardi, insistant à cette occasion sur le passage de témoin de Charcot à Freud. Il entend ainsi faire droit àla dimension de bâtisseur de Jean-Martin Charcot. Dans un clin d’œil à la médecine moderne, qui, dans un souci de renouvellement, renomme les maladies, invente de nouveaux symptômes, perdant souvent en rigueur clinique et théorique, il rappelle que les malades, eux, sont toujours là. Et, pour nous approcher de cette réalité en jeu, nous avons besoin de repérages métapsychologiques précis.
Dans un style non dépourvu d’humour et de poésie, l’auteur n’hésite pas à faire usage de la terminologie psychiatrique classique.
Enfin, ceci débouche sur des pistes de travail. Car, ces « sot-matés »ont besoin de trouver un appui, un soutien tiers.
C’est là quel’analyste, s’il ose se confronter à cette intense crudité du réel, devra parfois intervenir, permettant un bordage, une consolidation, pour finalement ouvrir une issue, afinque le sujet parvienne à effectuer le « quart de tour » suggéré par Lacan, pour que « la mutation cellulaire puisse être avantageusement remplacée par une mutation du sujet ».
Dépasser les conflits entre médecine et psychanalyse, c’est aussi l’espoir que ce livre nous offre.
Alors, nous attacher à la lecture attentive que ce livre réclame, pourraitgénérer un véritable apport clinique, modifiant la prise en charge de ces sujetsen souffrance.

Ghislaine Bouskela
Psychanalyste à Paris, membre de l’Association Psychanalyse et Médecine. Analyste praticienne d’Espace analytique