Isabelle Floc’h et Arlette Pellé

"L’INCONSCIENT EST-IL POLITIQUEMENT INCORRECT?" Editions érès, Actualité de la Psychanalyse

 

Danièle Epstein, psychanalyste, a travaillé de nombreuses années avec des adolescents pris en charge dans le cadre judiciaire.
Elle a mis un terme à ses activités institutionnelles en diffusant une Lettre Ouverte. « Lettre Ouverte aux politiques et à ceux qui les relaient : Une clinique dans le cadre judiciaire, un enjeu vital » (2005)
Dernières publications sur ce thème :
« Pour une éthique clinique dans le cadre judiciaire », Collection Temps d’Arrêt , Ministère de la Communauté française à Bruxelles (2006), consultable sur Internet, http://www.yapaka.be/
« Inscrire sa trace », in Les cahiers du Cercle Freudien : Traces et Inscriptions (2005)
« De l’Agir à l’Acte, une construction psychique », in Lettre du Grape (Mars 2006)
« Clinique et Judiciaire : quelle Loi ? », in Che Vuoï, n° 25, 2006

Destiné à un public plus large que celui des seuls analystes, ce livre traite du discours contemporain et des fictions sociales qui le sous-tendent, pour mieux les démonter et en révéler les effets sur l’économie psychique, jusqu’à la désubjectivation programmée : défaite de la pensée et du langage, pathologies dites nouvelles, déchaînement pulsionnel et symptômes addictifs de tous ordres, dans une illusion de complétude par l’objet, où règne le sans limites.

 Dans la mouvance des enseignements de Gérard Pommier, cet ouvrage reprend ce qui, des fictions collectives, a fonction de refoulement du fantasme.
 Du discours religieux au discours scientifique et ses dérives scientistes, ce livre traverse les débats de société dont les enjeux contemporains touchent à la construction-même du sujet. Ainsi en est-il des questions de filiation, où l’invention du père et la fonction du mythe qui symbolise le réel, font aujourd’hui place au tout-biologique et au génétiquement correct.

 Là où, de la promotion du bien-être au jouir sans entrave, la société propose l’objet comme comblant, les psychanalystes seraient-ils passéistes, empêcheurs de tourner en rond, accrochés à des références dépassées, telles que la fonction paternelle, le Nom-du-Père, la castration, le manque, la différence sexuelle…. Dans un renversement de l’ordre des générations, l’enfant, maître du jeu, grandit dans le déni de sa dépendance et de la dette. Sous emprise du regard éducatif et judiciaire, les pères, quand ils se manifestent, sont neutralisés et les parents assujettis au désir de l’enfant : « moins la loi symbolique est lisible, plus on fait appel à l’autorité judiciaire ». Avec le recul de l’autorité paternelle, la loi légifère.

 Hors histoire et hors langage, la victime devient figure identitaire qui convoque à son chevet les medias, les instances thérapeutiques normalisées et obligées, avec signalement judiciaire à la clé. En l’absence de subjectivation et de métaphore, revendication et plainte sont entendues comme vérités qui s’en prennent à l’autre, malveillant. Ainsi dédouané de toute responsabilité quant à sa souffrance, le sujet est mis hors de cause, mettant en avant le rideau des déterminants à l’origine de son mal-être.

 Dans un monde régi par l’objectivable, le quantifiable, le maîtrisable, où rien ne doit échapper au contrôle, un monde sans reste, où tout doit trouver explication dans la transparence d’une cause à son effet, le seul fait d’évoquer la dimension de l’inconscient est politiquement incorrect . Le réel, défini ici comme ce qui « double notre vie comme notre propre fantôme », n’a pas droit de cité.

 Comment le sujet va-t-il émerger de la démétaphorisation, du déni de la castration, qui envahit toutes les sphères de notre vie ? Si cette question court en filigrane de ces pages, les auteurs, tout en ne cédant rien à l’exigence théorique, tentent de trouver un passage, serait-ce au prix d’un grand écart conciliateur.
 Comme pour tout essai d’écriture supporté par le désir de transmettre hors du sérail analytique, il se peut que certains psychanalystes, plus enclins à s’adresser à leurs pairs, s’irritent de l’effort pédagogique de clarté destiné à se faire entendre d’un public de non-initiés.

 Ainsi, là où le support théorique risque de rebuter des non-analystes, les illustrations cliniques foisonnent, comme pour ramener le lecteur incrédule à la dimension d’une réalité psychique qui échappe, qui surprend, et qui va à contre-courant des idées reçues.

 Ecrit en duo, dans un style vivant et qui se veut accessible, on ne peut que souhaiter que ce livre ait une audience plus large que les seuls analystes convaincus.
 Le livre d’Isabelle Floc’h et d’Arlette Pellé se veut didactique et parce qu’il s’adresse à un large public, il s’annonce lui-même politiquement incorrect au sein de la platitude des psychologies à la mode et du foisonnement de prescriptions psychothérapiques.

 Porte ouverte offerte à tous ceux qui seraient tentés de se laisser formater par l’air du temps, il en appelle à la résistance« …le sujet, loin d’être confondu avec ses énoncés, continue de prendre une part active à sa dépendance familiale ou sociale, et met le discours dominant au service de ses fantasmes. Il fera de l’offre de l’Autre un impératif auquel il ne peut échapper, ou il le mettra aux commandes de sa jouissance. « Mais il pourra aussi bien reconnaître l’imposture contenue dans toute fiction et se soustraire à ses injonctions, laissant ainsi l’Autre à son manque supposé ».

     

Danièle Epstein

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