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La question de la traduction des œuvres complètes de Freud a bien évidemment largement occupé la scène institutionnelle psychanalytique française. On en sait les embûches, les impasses, les obstacles et autres querelles de clochers. L’occasion de la sortie de la récente traduction de la » Traumdeuntung » (PUF Tome IV) nous a semblée opportune pour accueillir le travail entrepris depuis plusieurs années autour de Jean Laplanche. Occasion donc est offerte au Salon Œdipe de poser ses questions autour de la traduction. On le sait, Janine ALTOUNIAN fait partie, dès l’origine, de ce groupe de travail, et son livre » L’écriture de Freud » en porte témoignage. Mais, disons-le d’emblée, il s’en démarque tout autant. En effet, il ne s’agit pas du tout de justifier ce soir des options de traduction, ni d’en proposer des modèles d’évaluation. Ce dont il s’agit c’est de réfléchir sur la manière dont une langue, la langue allemande, s’est trouvée être (par Freud) le terreau de la découverte de l’inconscient. Traumatisme, transmission du père, tout cela gît, bien sûr, dans la langue de FREUD, bâtissant son invention, la psychanalyse. Dans le dossier majeur que propose JA, je retiendrai comme exemple deux signifiants dans la méconnaissance de leur traduction : Dans la TRAUMDEUTEUNG, FREUD confie au lecteur le secret de son auto-analyse. La mort d’un père, écrit FREUD, voilà la perte la plus radicale intervenant dans la vie d’un homme. Là où la traduction invite à comprendre qu’il s’agit » bien sûr » de l’humanité (Mensch) FREUD ne parle en fait que de la condition masculine ! (Mann). Plus loin dans le même ouvrage FREUD se souvient de ce jour où, enfant, il interrogea son père agressé par un antisémite : » et qu’as-tu fait ? Je suis passé sur la chaussée et j’ai ramassé le bonnet, telle fut sa placide réponse » C’est la traduction de gelassen qui arrête JA ; en effet, il est habituellement traduit par » résignation « , or le sentiment exprime par FREUD n’a que faire d’une résignation passive mais traduit au contraire le calme, la tranquillité, la placidité d’un père face à l’agression. Evidemment, JA ne se prive pas d’interroger ces » erreurs « , ces approximations de traduction qui jettent sur le texte un parfum de scandale… En trois chapitres, cerises sur le gâteau, JA nous propose en fin d’ouvrage, trois étonnantes confrontations. FREUD avec le texte de LUTHER pour y lire la convergence entre ces deux » réformateurs » sur la défense de » l’efficacité symbolique susceptible de libérer l’homme du sentiment de sa totale impuissance » (pp151) ; WAGNER ensuite pour interroger l’énigme de la haine antisémite sourcée aux mêmes signifiants que la sublimation épique ; et LOU SALOME, enfin, et les postures différentes de FREUD selon qu’il s’adresse à elle comme homme ou comme théoricien de la sexualité féminine. SERGE SABINUS |
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L’Invité : mardi 15 mai 2003
Janine ALTOUNIAN pour son livre "L’écriture de Freud" Editions Puf Présentation par Serge Sabinus