Joseph Assouline Le monde débute-t-il par le rouge ?

(Essai sur la couleur psychique) Editions des Crépuscules, 2020

Marie-José Sophie Collaudin

Dans Correspondances Freudiennes : Jackson Pollock : l’impossible écrit. (Correspondances freudiennes No 3). L’amour sans la lettre ? (C.F. No 18-19.). Nommer, prénommer, adopter ou Julien l’enfant brun. (C.F. No 25.). L’interdit son énonciation. (C.F. No 34-35.). La clinique psychanalytique entre éthique et secret. (C.F. No 40-41.). Est-il possible d’émerger de la mélancolie sans mettre en œuvre une sublimation ? (C.F. No 45.). L’ombilic du rêve : le rêve, la création artistique, le symptôme. (C.F. No 46.). La douleur du petit enfant. (C.F.No 47.).
La crise comitiale : mise en scène d’un réel. (Folies à la Salpétrière. Association psychanalyse et médecine.).
Question du féminin au féminin. (Che vuoi ? No 36). Les géants du passé. Là où l’identification à l’agresseur est du côté de la sublimation.( Che vuoi ? No 37). Le silence face à l’œil jouisseur. A propos de la peinture de Maryan. (Che vuoi ? no 41). Meurtre d’âmes : déni du féminin du meurtrier et meurtre du  féminin de la victime ? (Che vuoi ? nouvelle série No 1)

Joseph Assouline se demande, dans cet essai, « d’où vient le sentiment de la beauté chromatique ? » Par  différents liens entre peinture, psychanalyse et mythologie, il compare le ton en valeur ou couleur annulant le temps de la pulsion scopique, avec le ton musical annulant la pesanteur de la pulsion invocante , pour définir une pulsion colorante, « tendue vers ce point gris cher à  Paul Klee, ou la blue note musicale évoquée par Alain Didier-Weill ». Le ton venant du Grec tonos: force, dit-il, « est porteur d’intention signifiante ».

Avant de dire maman, l’enfant à une parole à lui adressée par sa mère sur ce qu’il vit dans le présent, répond par « une morsure » sur le corps de sa mère : avec ses doigts il touche œil, bouche, joue, sein ou…comme pour dire oui en montrant que son dire a fait mouche, trait. La parole juste a limité l’excès d’excitation d’une perception, et cette perte avec gain de signifiant, a transformé la perception en sensation, appartenant désormais à l’enfant, elle permet la construction de la pulsion correspondante (invoquante, orale, scopique etc) et de sa parole. Ses premiers traits spontanés sur le papier inscrivent cette réponse de sujet que Françoise Dolto appelle « son image inconsciente du corps du moment : l’ensemble des perceptions transformées en sensations par la parole de l’autre », et ensuite viendra « le premier dessin », souvent une esquisse de visage, voire un soleil, objet qu’il pourra nommer. Joseph Assouline développe en traversant l’histoire de la peinture,  la mythologie égyptienne, et la constitution d’un sujet tel qu’en parle la psychanalyse, comment  « du trait du dessin dans un monde bichrome, trait portant à l’existence l’objet réel ou imaginaire, le ton coloré, analogue au chant vocal, devient le représentant psychique d’une pulsion, d’un affect.»

Alors, « Comment se construit le tableau à partir de ces morceaux de corps glaireux, informes sur la palette ? » et « Comment deux tons disent maman ? » et encore « Comment dans cet univers visant l’imaginaire et hors les mots faire advenir, par volonté ou par accident, le semblant, le ressemblant d’une figure, d’un visage, garants d’une sublimation aboutie ? » sont les questions de Jo Assouline.

« La sensibilité humaine à la couleur est régie par le cycle quotidien de l’objet total : le soleil. »Trois faisceaux lumineux (rouge bleu jaune) d’intensité et de surface égales produisent une lumière blanche donc sans couleur, invisible (où toute tension a disparu), comme deux sons d’intensité égale mais de période contraire s’annulent donc sont inaudibles. La présence et l’absence de l’objet total sont produits par le trois (la troisième couleur ou la période), comme l’intervention de la métaphore paternelle dans la dyade mère enfant, et les différentes couleurs portent  différents affects: certains tons expriment une réunion jubilatoire avec l’objet, et d’autres la séparation dépressive avec l’objet. écrit l’auteur. Ces propos nous rappellent ces expressions : voir rouge, peur bleue, voix blanche etc et le poème de Charles Baudelaire dans les Fleurs du mal :

« Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde nuit
Vaste comme la nuit et comme la clarté
Les parfums, les couleurs, les sons se répondent. »

Les premiers tons que nous pouvons voir en sortant de la nuit sont le rouge et le blanc. Si le blanc exprime le minimum de tension, le rouge exprime un conflit endogène donc la montée de tensions, dont parmi d’autres, l’affect est la colère. Chaque couleur renvoie à une série d’affects donc de mouvements pulsionnels qui sont explicités ici.

A la lecture très intéressée de cet essai, une question s’impose à moi : Si la couleur peut agir sur nous est-ce parce qu’elle nous voit comme « la musique nous entend » ( Alain Didier-Weill)? Jo Assouline y répond ainsi: « La peinture comme poésie est manifestation unique de la voix d’un être rendu visible. »

Marie-José Sophie Collaudin

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