Jacquy Chemouni « La Psychanalyse française captive du politique »

Paris, éd. Beauchesne, coll. Prétentaine, 2010

Max Kohn, psychanalyste membre d’Espace analytique, maître de conférences habilité à diriger des recherches à l’université Paris Diderot–Paris 7, Centre de Recherches « Psychanalyse, Médecine et Société » (C.R.P.M.S) EA 3522, psychanalyste à la Maison de la mère et de l’enfant à Paris (Fondation Albert Hartmann, Société Philanthropique).

Site de Max Kohn : http://www.maxkohn.com/

Max Kohn a lu « La Psychanalyse française captive du politique »

Le nouveau livre de Jacquy Chemouni aborde un sujet épineux, celui de la relation de la psychanalyse à la politique à travers la question du sionisme de Freud. Selon l’auteur, la politique a comme paralysé le fonctionnement psychique. La psychanalyse n’est pas prophétique et elle invite au salut une part de soi intime uniquement. Les enjeux de ce livre concernent la position supposée de Freud par rapport au sionisme, soit antisioniste soit sioniste, alors qu’il s’avère antinationaliste, plutôt un sympathisant sioniste sans afficher véritablement une position antisioniste comme certains le prétendent.

Le point de départ, ce sont les États Généraux de la Psychanalyse dont Jacquy Chemouni dit qu’il s’agit des « États Généraux de la politisation de la psychanalyse ». Ce livre se présente de manière polémique à propos d’un congrès qui a eu lieu du 27 au 29 novembre 2003, intitulé « seconds États Généraux de la Psychanalyse Rio de Janeiro ». Tarik Ali y a tenu une conférence devant 700 personnes, essentiellement des psychanalystes d’Amérique du Sud et du Nord, et en nombre plus restreint d’Europe, où il a dénoncé le sionisme et où il fut en retour acclamé.

Jacquy Chemouni s’insurge contre cette politisation de la psychanalyse. Son livre reprend une lettre que Freud a adressé le 26 février 1930 à Haim Koffler membre du Keren Hayesod en réponse à la demande de ce dernier de soutenir publiquement le droit des Juifs à prier au Mur des Lamentations à Jérusalem. Dans cette lettre, Freud n’est pas favorable à cette idée parce qu’il a au fond peur que l’on fétichise ce mur. Le rapport à cette lettre dans l’histoire du mouvement analytique est étudié de manière très précise par Jacquy Chemouni. Il y a pour lui une instrumentalisation de cette lettre afin de montrer que Freud est antisioniste.

Tout se passe dans le contexte du 24 août 1929 où des quartiers juifs de Jérusalem sont attaqués par des groupes armés arabes. Pour Jacquy Chemouni la lettre en question ne permet pas d’inférer que Freud est antisioniste (cette lettre se trouve pages 80-81 de son livre) comme elle ne peut pas être non plus revendiquée pour le qualifier de combattant sioniste. Il y a là une instrumentalisation et une véritable fétichisation de la lettre d’une certaine façon.

C’est un livre très stimulant qui analyse des polithèmes qui sont des éléments idéologiques a minima, des récits les plus courts possibles, proches finalement des stéréotypes. Il en est question à propos de cette lettre de Freud. Pour Jacquy Chemouni l’antisionisme n’est que la poursuite par d’autres moyens du refus du nom juif et Israël a pris aujourd’hui la fonction du nom juif.

Nul doute que ce livre suscitera bien des discussions et des polémiques.

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