Jean-Louis Sous Lacan et la politique. De la valeur

érès éditions, 2017

Jean-Jacques Lepitre.
Psychanalyste, membre de l’ALI, président de l’ALI-Epco. Quant à mes oeuvres: divers articles dans des revues ou ouvrages collectifs. Le dernier en date participation au livre: « Les psychoses chez l’enfant et l’adolescent », Eres, 2016. Avant cela participation à « Une journée entière avec Joyce », revue La Célibataire, EDK éditions,  » Variations sur la jouissance musicale », éditions de l’ALI, « Le trinitaire » et « Comme par hasard » éditions de l’Epco,  etc…

C’est un petit livre bien allègre que nous propose Jean-Louis Sous. Parcourant avec attention et vivacité ce que Lacan a pu évoquer de la politique, de l’assertion forte du séminaire La logique du fantasme :  » L’inconscient, c’est la politique! » aux méandres du « plus de jouir » construits en écho à la plus value marxiste, il nous invite à l’accompagner aussi bien dans l’examen des détails signifiants que des paysages contextuels où s’inscrivent ces évocations. Ainsi, son attention alertée par la reprise de Lacan de ce que Marx prête un rire au capitaliste inventant la plus value lui permet de nous souligner la similitude suggérée par Lacan des mécanismes en jeu entre mot d’esprit et plus value. Ou bien, autre exemple, la citation inattendue, par Lacan de la phrase freudienne: « L’anatomie, c’est le destin » après un commentaire de Bergler laudatif mais aux conclusions inversées, le conduit à nous présenter ses interrogations concernant les places des sujets et des institutions, aussi bien que la dimension pulsionnelle en jeu. Celle-ci est, me semble-t-il, par le lest, le poids de réel qu’elle apporte, un des fils sous-jacents courant tout au long de cet ouvrage. Ainsi, le contexte de Bentham, de sa théorie des fictions, c’est le lest de la pulsion qui permet que le fictif ne se dégrade en factice.

C’est un petit livre dense. Aux références nombreuses, confrontant le chemin lacanien à bien d’autres. La politique y est dans son extension, des écoles analytiques aux sociétés diverses. Elle s’y croise avec la question de la valeur. Celle aussi bien du signifiant, que celle du négoce ou des négociations, voire d’une éthique. La passe, celle inventée par Lacan pour son école, y est montrée comme tentative d’échapper aux pièges des valorisations, gradus, titres, etc. Mais de façon plus ample, économie politique, le plus de jouir vient y faire écho à la plus value marxiste. Plus précisément, non celle issue du travail supplémentaire extorqué au prolétaire, mais celle qui naît entre la valeur d’usage et la valeur d’échange, de ce que Marx nomme la fétichisation de la marchandise. Le plus de jouir vient donner ses coordonnées à cette plus value en nos temps consuméristes. Car il ne suffit pas d’en dénoncer le factice pour en amoindrir l’efficace et c’est d’en appréhender les ressorts que nous propose Jean-Louis Sous à la suite de Lacan. Et nous pouvons nous-mêmes associer à la suite des associations de l’auteur sur les visages extatiques des ménagères comblées par les lessives lavant « plus blanc que blanc », les shampoings rendant les cheveux plus brillants que brillants, les mâles conducteurs à la virilité garantie de la conduite de telle voiture, toutes en fait. Car ce n’est pas le moindre mérite de ce livre que l’auteur nous livrant ses associations nous donne la possibilité au fil des pages de faire émerger les nôtres.

A vous en souhaiter bonne lecture.

Jean-Jacques Lepitre

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