Jean-Louis Sous L’escroque mort

Paris Éditions Saint Honoré, 2020

 

Max Kohn, psychanalyste, lauréat du Prix Max Cukierman (culture yiddish) en 2006, membre du jury à partir de 2016. Auteur de nombreux livres et articles dont  Kohn M., Le préanalytique : Freud et le yiddish (1877-1897), [1982, 2005, 1994 pour la traduction en portugais par Marcella Mortara, 2020 pour la traduction en italien par Alessandra Berghino], Paris, MJW Fédition, 2013.
Site personnel  http://www.maxkohn.com/

Dans ce livre, Jean-Louis Sous tient la gageure de parler de de sa clinique psychanalytique. Il est extrêmement compliqué de parler de ce que l’on fait. C’est encore une autre histoire de le faire par écrit. Il y a dans ce livre trois cas qui sont présentés, je ne dirai pas tels quels, mais au plus près de ce qu’il lui est possible d’en dire par écrit, quitte à prendre le risque d’une levée de la confidentialité. Il s’interroge sur l’intercession de l’analyste dans une analyse profane. Celui-ci ne doit pas faire comme si le deuil allait de soi, qu’il était à faire dans une certaine durée pour le patient et que l’affaire allait être classée avec plus ou moins de difficultés. L’analyste se doit de suspendre toute certitude, toute omnivoyance, perspective connue d’avance sur le deuil particulier d’un sujet. Son intercession, c’est de susciter des représentations, images, idéaux, libido, orifices et montages pulsionnels. Cette réviviscence transférentielle n’est pas un sanctuaire. Il nous explique que ce qui est important dans le rapport à la perte pour un sujet, c’est d’où il est regardé dans son deuil. Le travail du deuil ne va absolument pas de soi dans l’analyse. Et en plus, il concerne les deuils de l’analyste. En faisant passer la voix de l’analysant à l’écrit, il fait part des lettres qui lui ont été adressées jour après jour. Il n’y a pas eu de réponses à toutes les lettres, certaines ont été suspendues différées. Un jour, les lettres s’arrêtent et le retour du courrier aussi. Au-delà de l’échange de missives entre le patient et l’analyste, il y a le dialogue difficile entre le sujet en analyse et les morts et l’analyste qui essaie de recevoir ce courrier et ses propres morts. En ce qui concerne les cas qui sont évoqués, il ne s’agit pas d’une écriture musicale qui donnerait lieu à une interprétation vocalisée, chantée ou orchestrée par des instruments de musique, ce n’est pas non plus une pièce de théâtre qui invite à la déclamation, ce n’est pas destiné à être oralisé. C’est une voix qui passe à l’écrit, c’est le trajet d’un pneumatique qui pourrait souffler des restes adhésifs de couches sédimentées.
L’écriture de ces récits obéit à des contraintes qui répondent à une exigence d’épure de tout métalangage. Le visuel est ici très important, puisque c’est en suivant les contraintes qu’il se donne sur le plan de l’écriture que nous pouvons imaginer ce qui se passe entre l’analysant et l’analyste. Une patiente lui dit que le travail qu’il fait c’est comme l’Opéra comme si on entendait autre chose, en contrepoint. Elle ajoute que la musique ne se déchiffre pas au niveau des partitions comme l’écriture d’un roman. Il faut être interprète. Et comme lui dit un  ses patients, la psychanalyse après 30 ou 40 ans de pratique, ça doit donner une certaine forme de détachement, une zénitude, mais quand même ça fait perdre le côté romantique et passionnel de l’amour.
Une autre de ses patientes raconte un rêve, où il y avait un monsieur tout en gris qui ressemble à l’analyste et rassemble toutes sortes de pensées, des plus belles aux plus laides, des plus tristes au plus joyeuses et aucune n’échappe à sa prodigieuse oreille. Petite, elle lisait un album qui s’appelait Monsieur Tougris, le ramasseur de pensées. L’analyste fait son travail en ramassant les pensées, en prenant le temps qui est propre à chaque deuil pour que la séparation puisse avoir lieu, Le travail du deuil n’est pas écrit d’avance. Il s’écrit dans l’analyse et après-coup, on peut dire qu’il y a eu séparation et pas escroque-mort.

Max Kohn

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