Jean Michel Vives est psychanalyste, professeur à l’université de Nice. Dans la postface de ce livre, Alain Didier Weill nous apprend que l’auteur de « la voix sur le divan » a une pratique du chant et de la mise en scène d’opéra. Son livre témoigne d’une grande érudition dans le champ musical et dans la connaissance des grands textes de la psychanalyse. Mélomane, il nous fait partager ses passions. |
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Il chemine avec beaucoup de rigueur, rappelant tout au long du livre d’autres auteurs notamment Michel Poizat dont l’œuvre essentielle « irrigue tout cet ouvrage » écrit-il. Jean Michel Vives nous entraîne et nous plonge au vif de la pulsion invocante dont Lacan a pu dire qu’elle était « la plus proche de l’expérience de l’inconscient » et de son objet la « voix ». Cet objet si intime, si familier et pourtant si insaisissable. Les questions sur la voix sont chez Freud éparses comme le précise Jean Michel Vives. Il en traque les occurrences selon ses propres termes et propose « une lecture sonore de totem et tabou ». Il s’intéresse aussi aux travaux de Reik et son interprétation de l’audition du shofar et ses développements par Lacan du côté de la problématique du meurtre du père. Avec Lacan, l’auteur situe les enjeux de la voix moins du côté maternel comme il est d’usage de le proposer que du côté paternel. La question de la voix est articulée à celle de la loi : « la voix sans la loi verse dans la jouissance mortifère, la loi sans la voix reste lettre morte ». L’essentiel dans cet ouvrage porte sur les enjeux de jouissance liés à la voix. Le dispositif musical permet de déployer la voix dans tous ses états. Dans la parole, la voix reste voilée, comme il y a un « point aveugle » nécessaire pour le scopique, il y a un « point sourd » pour la voix. L’arrivée des castrats sur la scène musicale au 16 siècle correspond à une question essentielle que se pose l’église et qui conduit à l’idée que « la voix est une faculté plus précieuse que la virilité… ». Comment transmettre le plus efficacement le message divin, telle est la préoccupation majeure. Le timbre singulier des castrats, ce timbre « hors sexe » et hors temps » déchaîne les passions et mérite le sacrifice. « Le castrat présentifie un timbre qui n’est ni masculin, ni féminin, ni même infantile. Il s’agit d’un timbre qui, paradoxalement, permettrait de faire entendre un au-delà possible de la castration ». Sur la scène de l’opéra, la diva prend la suite du castrat. Sa voix présentifie cet appel à l’Autre à travers « le lamento », ce chant plaintif. « Dès le début de son histoire, l’opéra est une plainte modulée visant à convoquer un objet disparu » écrit Jean Michel Vives. L’articulation du regard et de la voix est abordée avec la question de la « mascarade », cette manière très féminine de traiter le manque, le vide et la castration. Le principe de plaisir et son au-delà sont dans ce livre constamment convoqués. Bien que très théorique, ce livre ne manque pas de résonance avec la clinique, celle de la cure dans l’espace du transfert, cette « sonate à deux ». Delia Kohen |
L’Invité du 8 mai 2012 – Jean-Michel Vives pour
Musique sacrée, opéra, techno Aubier, 2012 Présentation Delia Kohen