Françoise Decant |
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Ce livre est d’une actualité on ne peut plus brûlante, avec cette question : Faut légiférer pour permettre à tous les couples d’avoir légalement des enfants ? (Ils en ont déjà depuis longtemps, et ils en parlent.) Mais là, nous sommes bien devant une question éthique et l’auteur ne l’ignore pas car il a fait une place à la fin de son livre au texte d’une gynécologue, Gemma Durand qui a créé avec d’autres un comité d’éthique nommé Labyrinthe. Mais le psychanalyste, qu’en dit-il ? A l’époque qui célèbre la chute du patriarcat, le père risque-t-il d’être effacé symboliquement si la loi s’en mêle ? Mais de quel père parle-t-on ? Après avoir rappelé les deux grands mythes fondateurs (le mythe de Totem et Tabou et le mythe d’Œdipe) développés par Freud et revisités par Lacan, JP Winter nous invite à le suivre lors de ses consultations pour enfants en pointant les méfaits liés à l’absence du père. Toutefois qui dit absence dit aussi le manque et une place symbolique est alors inscrite, même si elle l’est en creux. Deux thèmes sillonnent le livre : Il s’agit d’une part de l’interdit de l’inceste, et d’autre part de la différence des sexes. Or, aux yeux de l’auteur, les deux sont ou risquent d’être supprimés dans le cas d’unions du même sexe. De nombreux exemples illustrent ces situations et JP Winter soulève avec justesse la question de l’ambivalence, celle qui désigne au mieux la relation entre le père et le fils. Kafka n’est-il pas là pour nous le montrer ? Mais la jouissance (terme introduit par Lacan) est aussi invitée à montrer son nez, sous la forme de l’énigme avec l’analyse du film de Benigni « La vie est belle ». La jouissance du père doit rester une énigme et c’est ce que le film démontre si bien. « Une interrogation qui restera sans réponse »… La Commedia dell’arte a permis que soit préservée la place du père malgré sa disparition finale et l’horreur liée à la situation. Mais que se passe-t-il lorsque la différence des sexes ne joue plus un rôle essentiel dans la création d’une famille ? Il y a risque de brouillage des places estime l’auteur. La généalogie mais aussi la place symbolique du père sont alors mises à mal, mais JP Winter indique une direction à suivre : c’est la voix du père signant là le désir du père. « Elle est ce qui nous reste du père lorsqu’il n’a plus rien à nous dire. » Un chapitre est consacré aux attentats djihadistes et à la société des frères. Ce n’est certes pas nouveau de parler des méfaits liés à la société des frères, mais il fallait le faire. Dans ce cas, le père, (le père de la horde), lui est resté aux cieux. Faisant alors référence à l’Imaginaire, l’auteur écrit: « dans les trous de l’image, ou sur ses bords, surgissent des éclats de réel innommables. » Et oui… Quant aux psychanalystes, ils se divisent en deux camps a repéré l’auteur : Les tenants des gender studies et les autres. Espérons qu’il y ait une troisième voie, qui permette à nos analysants de déplier la question sans y apporter de réponse. Mais n’est-ce pas le mérite du livre de JP Winter qui rappelle toute l’importance du principe de précaution ? Françoise Decant |