Jean-Richard Freymann Amour et Transfert

Amour de transfert et amour du transfert érès, Arcanes, coll. Hypothèses, 2020

Jean-Jacques Chapoutot

Psychanalyste, Espace analytique et Association Psychanalyse et Médecine.

 

Comment amour et transfert se conjuguent-ils ? Comment les définir ? Comment opèrent-ils ? Sous quelles formes?
La question de l’articulation entre Amour et Transfert est une des plus difficiles de la psychanalyse, tant dans sa théorie que dans sa pratique. Le livre de Jean-Richard Freymann est le produit d’une recherche vivante qui déplie cette question au plus près de l’expérience analytique telle que Freud l’a initiée, c’est-à-dire à remanier sans cesse sans jamais rien abandonner.
Ce troisième volet d’un triptyque consacré à la clinique, après L’inconscient pour quoi faire ? (2018) et Les mécanismes psychiques de l’inconscient (2019) dans la même collection, se lit comme on participe à un séminaire, de séance en séance, de question en question, de surprise en surprise. C’est que l’auteur allie avec bonheur le plaisir de la recherche, le souci de la pédagogie, la richesse des ouvertures. A chaque page des questions sont proposées et discutées, certaines trouvent des réponses, d’autres restent ouvertes, la pensée rebondit sans arrêt et met le lecteur au travail.
C’est que, comme le dit Marcel Ritter en fin de sa préface, « la question du transfert en psychanalyse est une question complexe qui exige de celui qui veut l’aborder un retour sur la plupart des données du champ de la théorie psychanalytique ». Jean-Richard Freymann nous emmène ainsi comme dans une visite guidée des énoncés essentiels de Freud, des apports ultérieurs de Lacan, de sa propre démarche analytique, parcours qui commence par poser quelques jalons sur l’amour et sur le transfert à partir de la séduction, des transferts de Freud, de l’approche lacanienne de l’amour, pour poser la question « qu’est-ce que l’amour de transfert ? ».
Quelques points de repère : le caractère fondamental de la bisexualité psychique, la dissymétrie dans l’amour, l’origine de la notion du transfert dans la question du rêve (avec le rêve de l’injection faite à Irma tel qu’analysé par Freud et interprété par Lacan) qui permet de penser l’articulation entre le transfert et le désir de l’analyste (référence à Moustapha Safouan), la naissance du sujet-supposé-savoir, la dimension temporelle de l’amour et celle du transfert dans la cure et la question de la sublimation, le narcissisme primaire et secondaire  et l’amour transnarcissique (Lucien Israël), l’hystérie, les modèles monstrueux de l’amour maternel….
Freud et Lacan ne sont pas les seuls convoqués à participer à cette conversation. Pierre de Marboeuf, Victor Hugo, Louis Aragon, Raymond Devos, William Shakespeare, Philip Roth sont appelés à éclairer cette recherche en y projetant une luminosité particulière. Une part est faite au travail de Nicolle Kress-Rosen, sur la séparation entre désir et tendresse, et à celui, bien sûr, de Lucien Israël, avec la question de l’hystérie.
Ce qui m’a peut-être le plus frappé, et qui m’a enchanté, c’est la très grande légèreté de ce texte, pour un sujet pourtant si difficile. Jean-Richard Freymann parle d’amour et de transfert avec amour et, manifestement, dans le prolongement de son transfert à Lucien Israël, son analyste qui lui a confié la poursuite de son œuvre et avec le souvenir de qui il continue de travailler, parmi quelques autres comme François Perrier. C’est dans ce mouvement d’une recherche qui ne cesse de se faire qu’une transmission, vers les plus jeunes, se donne à lire : celle de l’amour de la psychanalyse.

Jean-Jacques Chapoutot

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