Jeanne Wiltord Mais qu’est-ce que c’est donc un Noir?

Essai psychanalytique sur les conséquences de la colonisation aux Antilles. Edition des crépuscules. 2019

Françoise Decant
Publications : «L’écriture chez Henrik Ibsen : Un savant nouage.» Essai psychanalytique Ed Arcanes Eres dec.2007. «La ronde des pères» in «Kafka, le procès du sujet». Figures de la psychanalyse. Logos Ananké Ed. Eres 2008 Ouvrage collectif. Arthur Schnitzler : «Le mélancolique inconstant. Fantasme de séduction et répétition» Revue La Clinique lacanienne N° 19  Ed. Eres  2011. «Un nom du père parmi les noms du père : Trois inventions» Revue La Clinique lacanienne N° 22 Ed. Eres 2013. «Personne(ne) sait comment on fait les papas» Revue Enfance et psy N° 66 Ed Eres 2015. « A propos de transfert dans la psychose”  Revue La Clinique lacanienne N° 30 Eres 2019.

Le titre du livre de Jeanne Wiltord  peut paraitre à une lecture superficielle un peu provocateur. Ce titre est « Mais qu’est-c’est donc un Noir … et d’abord, un Noir, c’est de quelle couleur ? »Titre tiré de la pièce de Jean Genet «  Les Nègres » où il est question aussi de masques…

Ce livre, à partir de ce « noir » permet à l’auteur de déplier des questions fondamentales qui touchent à l’identité, à la citoyenneté, à la honte, mais aussi à la nomination, et surtout à lalangue.

Il s’agit bien des effets ravageurs de ce que J. Wiltord appelle « le repérage d’une trace de sang noir » qui devient une véritable hantise pour les blancs, alors que le quotidien dans les habitations vient brouiller la catégorie binaire « Noir-Blanc » : Les maitres font aussi des enfants aux femmes esclaves.

S’inscrivant en droite ligne des thèses défendues par Edouard Glissant, (qui parle de rhizome et non de binaire) Frank Fanon, Chamoiseau, Aimé Césaire, l’auteure est certes une militante, mais aussi une psychanalyste co-fondatrice de l’ALI- Antilles.

Difficile d’oublier  le poids de l’esclavagisme, la souveraineté des blancs, qu’ils soient les anciens maitres des habitations, les békés ou les français de métropole qui ont pris le relai.

Mêlant savamment le coté historique (l’histoire de l’esclavage aux Antilles) et social avec la cure, ce livre entend pointer les effets spécifiques dûs à la colonisation, comme principalement la perversion du symbolique.

C’est, me semble-t-il l’ossature théorique sur lequel repose ce livre : à savoir, la perversion coloniale de la structure du langage.  D’où un chapitre intéressant consacré au créole, mais aussi à lalangue.

Autre point majeur spécifique aux Antilles, ce que l’auteure appelle «  la matrifocalité », qui signifie à la fois la transmission de la  jouissance virile par la mère, assurée par une donation imaginaire et en même temps l’éjection du père et du symbolique et ses effets par exemple sur la nomination.

La référence à l’Œdipe chère à Freud fonctionne mal et J.W préfère de loin utiliser les catégories RSI mises en place par Lacan.
Ce livre est passionnant. Etayé énormément au niveau théorique, il fait une large part aux particularités de l’inconscient dans les cures, conjugué aux effets de l’histoire de l’esclavage.

La définition de Lacan  de l’inconscient « c’est le réel » n’est pas loin, je trouve. On peut bien sûr l’appeler autrement…

Françoise Decant

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