Françoise Decant |
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Le titre du livre de Jeanne Wiltord peut paraitre à une lecture superficielle un peu provocateur. Ce titre est « Mais qu’est-c’est donc un Noir … et d’abord, un Noir, c’est de quelle couleur ? »Titre tiré de la pièce de Jean Genet « Les Nègres » où il est question aussi de masques… Ce livre, à partir de ce « noir » permet à l’auteur de déplier des questions fondamentales qui touchent à l’identité, à la citoyenneté, à la honte, mais aussi à la nomination, et surtout à lalangue. Il s’agit bien des effets ravageurs de ce que J. Wiltord appelle « le repérage d’une trace de sang noir » qui devient une véritable hantise pour les blancs, alors que le quotidien dans les habitations vient brouiller la catégorie binaire « Noir-Blanc » : Les maitres font aussi des enfants aux femmes esclaves. S’inscrivant en droite ligne des thèses défendues par Edouard Glissant, (qui parle de rhizome et non de binaire) Frank Fanon, Chamoiseau, Aimé Césaire, l’auteure est certes une militante, mais aussi une psychanalyste co-fondatrice de l’ALI- Antilles. Difficile d’oublier le poids de l’esclavagisme, la souveraineté des blancs, qu’ils soient les anciens maitres des habitations, les békés ou les français de métropole qui ont pris le relai. Mêlant savamment le coté historique (l’histoire de l’esclavage aux Antilles) et social avec la cure, ce livre entend pointer les effets spécifiques dûs à la colonisation, comme principalement la perversion du symbolique. C’est, me semble-t-il l’ossature théorique sur lequel repose ce livre : à savoir, la perversion coloniale de la structure du langage. D’où un chapitre intéressant consacré au créole, mais aussi à lalangue. Autre point majeur spécifique aux Antilles, ce que l’auteure appelle « la matrifocalité », qui signifie à la fois la transmission de la jouissance virile par la mère, assurée par une donation imaginaire et en même temps l’éjection du père et du symbolique et ses effets par exemple sur la nomination. La référence à l’Œdipe chère à Freud fonctionne mal et J.W préfère de loin utiliser les catégories RSI mises en place par Lacan. La définition de Lacan de l’inconscient « c’est le réel » n’est pas loin, je trouve. On peut bien sûr l’appeler autrement… Françoise Decant |
Jeanne Wiltord Mais qu’est-ce que c’est donc un Noir?
Essai psychanalytique sur les conséquences de la colonisation aux Antilles. Edition des crépuscules. 2019