L’Invité : mardi 14 janvier 2003

Jean-Richard FREYMANN pour son livre "L’Amer Amour" Editions érès Présentation par Charles Sarfati

 

 

Quel type de lien nouveau instaure une analyse finie entre un sujet et sa mère ? Que reste-t-il de la mère après une analyse ? De fait, ce n’est plus pareil, après une analyse, qu’avant. C’est ce à quoi travaille Jean-Richard Freymann : il y a quelque chose de nouveau par rapport à avant et c’est ce qui est cerné, construit -au sens d’une construction en analyse- à travers huit chapitres.

L’Amer est à entendre – entre autres – comme la possibilité de penser la mère sans apostrophe -à la fois près de soi et celle dont on est privé. C’est l’Amer La mère avec un  » a  » privatif. Dire cela, c’est, en même temps, mettre sa propre expérience de la privation au cœur de la question du rapport à la Mère (L’Amer). Le manque de la Mère est une donnée structurale, nous n’avons pas accès a l’objet-mère ou alors on est fou. Et ce battement entre continuité (avoir l’objet près de soi) et discontinuité (en être prive) initialise et permet la mise en marche de l’amour.
Ce livre est une retranscription réécrite d’un séminaire tenu en l’an 2000 à Strasbourg dans le cadre de la Fédération Européenne de Psychanalyse laquelle association a un rôle consultatif et d’expert à Bruxelles sur toutes les questions psychanalytiques.

J.R. Freymann s’inscrit excellemment dans la tradition du séminaire oral à la suite de L. Israel, de J. Lacan, de J.F. Lyotard et de quelques autres. Le style s’en ressent, on y respire, une certaine cadence en a été conservée, l’humour aussi.
Ce livre, donc, s’organise en huit chapitres correspondant à autant de séminaires ou à autant de versions ; ces huit versions sont comme huit vues successives du même objet. Mais, en plus, chaque version tient compte de la précédente. C’est un cheminement à la fois didactique et dialectique.

Le poème, les lettres, le chant populaire apportent leur écot à cet ouvrage et l’émaillent de leurs citations que Freymann saisit en psychanalyste. Citant la  » Mer  » de Charles Trenet l’auteur, ne nous y trompons pas, nous en parle en analyste. De même, quand il s’agit du poème de Pessoa :  » Mer portugaise « . Allons plus loin, l’auteur citant Albert Cohen, nous parle (sans le savoir ? – faisons-lui crédit, ici, de le savoir) de son métier d’analyste. Je le cite :  » Vous connaissez l’histoire d’Aragon ? quand Elsa Triolet rentrait, alors qu’il était en train d’écrire, il lui disait ;  » fous-moi la paix, je suis en train d’écrire un poème à Elsa Triolet  » « . On voit, ici, se déployer la position homme et la position femme.

L’amour et son double sont (presque) partout : Prenons, l’amour maternel, cette image magnifiée dans la peinture : La mère et l’enfant ! quoi de plus pur que cette divine fusion ? Elle se révèle pourtant être un cache-misère, c’est-à-dire l’aboutissement d’un long travail inconscient de maquillage. Le démaquillage révèlera le conflit le plus fracassant qui soit, conflit entre la demande de nourrir et celle de se laisser nourrir : C’est dans cette conflictualité que naissent tous les amours et aussi toutes les haines, toutes les anorexies, boulimies, toxicomanies. La recherche de la passion amoureuse peut, dans certains cas, être considérée comme une toxicomanie.

Et qu’est-ce qu’un petit humain a comme moyen pour se défendre contre l’amour maternel et son double ?
Ce type de question est longuement médité par Freymann, plus de huit fois repris et remis sur le métier.

Charles SARFATI

 

 

 

   
     
     

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