Kohn Max Un vampire sur le divan

Paris, MJW Fédition 2013

Robert SAMACHER, Psychanalyste, membre de l’Ecole Freudienne, ex-maître de conférences à l’Université Paris-Diderot (Paris 7). Dernières publications : Participation à l’ouvrage Ella Sharpe lue par Lacan sous la direction de M.L. Lauth, Paris, Editions Hermann, 2007 – « Le corps des déportés et le Yiddish » dans Yiddishkeyt et psychanalyse, sous la direction de Max Kohn, Paris, MJW Fédition, 2007 – « Humour juif et mélancolie », dans « Culture yiddish et inconscient », sous la direction de Max Kohn, revue Langage et inconscient, revue internationale, Limoges, Editions Lambert-Lucas, 2007 – « Les progrès de la science jusqu’où? » sous la direction de Robert Samacher, Emile Jalley, Olivier Douville, revue Psychologie Clinique n° 23, Paris, L’Harmattan, printemps 2007.

Dans son introduction, Max Kohn nous fait savoir que dans ce livre, il a cherché à répondre à la question : Que représente le vampire ?
Il s’est intéressé à ce sujet, parce qu’il a rencontré le livre de Bram Stoker, Dracula. Ce livre s’est inscrit dans une époque, le XIXe siècle où le cinéma et la psychanalyse sont découverts.
Kohn souligne à propos du vampire, l’importance du mot anglais undead, traduit littéralement par non-mort « qui revient », corps qui revient d’ailleurs. On a pu parler à ce propos de « mort-vivant » mais l’auteur ne relève pas cette occurrence.
Cette invention du vampire daterait du XVIIIe siècle époque où le développement de la science permet que se pose la question du partage entre corps et âme.
Cette distinction entre corps et âme amène la question de ce qui s’imprime comme image, ce qui fait que le cinéma s’en est saisi et Kohn rappelle le film de W. Murnau « Nosferatu, une symphonie de la terreur ».
L’auteur pose la question du type d’image auquel le vampire renvoie, il se réfère alors à l’œuvre de Serge Daney qui insiste en particulier sur la dimension d’invention de l’autre en même temps que Freud invente la psychanalyse. Ce qui amène l’auteur à se poser la question de la place de l’autre dans la psychanalyse qui introduit une nouvelle pratique thérapeutique d’invention de l’autre. Ceci mène à la topique du miroir chez Lacan et la distinction entre l’Autre et l’autre, avec les effets de miroir et de fascination. Ce qui pose la question de la fusion dans l’image qui peut avoir un effet vampirique, et son corollaire la capacité à décoller ou à s’en détacher.
Max Kohn propose un fil mais c’est aussi au lecteur à découvrir son propre fil et à laisser se dérouler ses propres associations.
Il nous fait savoir que ce livre comporte plusieurs parties : A. Un non mort encore vivant, partie dans laquelle il centre sa réflexion sur la place de l’hypnose dans Dracula et découvre qu’il s’agit d’un état intermédiaire que le vampire représente entre les vivants et les morts. Pour étayer sa démonstration, il se réfère à plusieurs mythes dont celui du vagin denté raconté par Alfred Métraux dans le livre d’Alain Testart. L’auteur ne parle pas du « vagin denté » fantasme articulé dans la théorie kleinienne, est-ce voulu ?
Dans la partie B,  à partir du passage de la nature à la culture chez Cl. Lévi-Strauss. M. Kohn  souligne l’importance chez l’homme, de la peur de la dangerosité de la femme  avec ces dents dangereuses à l’endroit du sexe qui peuvent le couper mais aussi inoculer l’identité et la pratique vampirique.
Dans la partie C. Le vampire, un bébé qui fait du cinéma, il parcourt l’histoire de Dracula et celle du cinéma  à partir de l’invariant de la tétée, il essaie d’analyser le transfert au vampire, de l’image au visuel  en reprenant le « Thème des trois coffrets » de Sigmund Freud, mettant en jeu la maîtresse, la femme et la mère dans une tentative de maîtrise du féminin et du maternel.
La partie D. Le vampire, un signifiant témoin d’un entre deux mondes, l’auteur explore plus précisément la frontière entre les vivants et les morts en s’inspirant des ouvrages de Rudolf Kleinpaul que connaissait Freud. Kohn considère que « le vampire n’est pas seulement une image mais un signifiant qui stabiliserait la circulation entre les vivants et les morts » nécessitant d’être régulé et mis en mythes. Il fait l’hypothèse que la morsure du vampire viendrait raconter l’absence de maîtrise que l’homme peut avoir sur le langage.
Dans la partie E. La parole est vampirisée, l’auteur se sert du concept d’Alain Didier-Weill « le signifiant sidérant » qu’il articule à l’expérience du monstre et du silence horrifiant que l’on trouve  dans la rencontre de la « La Tête de Méduse » selon Freud et qui renvoie à la parole vampirisée.
Dans la partie F. Kohn essaie de situer la place du vampire dans la psychanalyse en  se référant aux auteurs qui en ont parlé. Il différencie les vampires des fantômes et s’inspire des travaux de Nicolas Abraham et Maria Torok dans la perspective de dégager un mythème vampirique qui serait une matrice dans la plupart des cultures.
L’auteur omet de parler de Françoise Dolto qui, à différents moments dans son enseignement, a évoqué la relation vampirique du fœtus avec sa mère par le biais du cordon ombilical. Ce qui procède d’une relation intra-utérine. Cela aurait pu être une piste intéressante à exploiter mais qu’on peut néanmoins  articuler avec ce que l’auteur nous dit de ces « vécus infantiles, archaïques qui ne sont pas représentés pour le bébé dans sa tête en mots, en images ou en fantasmes et qui sont au cœur de la psychose ».
Il s’inspire ensuite des travaux de Pérel Wilgowicz pour montrer que le vampire est un atome d’une série infinie de mythes, ce qu’on retrouve au cinéma par exemple dans la série True Blood destinée aux adolescents. Le fait vampirique tel qu’il est traité dans notre société devient une sorte d’écran qui nous protège de la rencontre avec l’autre. Néanmoins,  nous avons besoin de ce mythe du vampire parce qu’il transforme des éléments du vécu archaïque en un montage narratif nécessaire au sujet dans son lien social.
Dans l’expérience analytique si cette dimension vampirique apparaît dans le transfert, il est souhaitable qu’elle prenne le chemin de la parole, passage de l’infra-verbal au verbal, ce qui permet de la reprendre en mots et de l’analyser dans le transfert.
Ce livre est très documenté et permet de trouver des articulations entre littérature, cinéma, psychanalyse.

Robert Samacher

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