Jeanne Lafont. Mes livres : Chez Point hors ligne, Topologie ordinaire de Jacques Lacan, 1986; Topologie lacanienne et clinique analytique, 1990. Les pratiques sociales en dette de la psychanalyse, 1994. Chez EFEdition. Les dessins des enfants qui commencent à parler, 2001; Six pratiques sociales, (livre collectif), 2006; La langue comme espace, 2015. |
|
L’auteur développe résolument des analyses de la situation contemporaine de l’enfant, à partir de la généralisation du discours capitaliste et de l’organisation collective actuelle du «droit à la jouissance». Emmaillée d’exemples cliniques, de rencontres ou simplement d’observations sur notre société, l’argumentation s’appuie sur une articulation des concepts lacaniens, dans le sens d’une recherche décidée de la nouveauté des solutions du sujet pour faire face au marché total que le scientisme et le libéralisme imposent à notre monde. Le raccourci entre les pathologies de l’enfant et de l’adolescent (voire l’adulte) et le bain politique de la réalité sociale, est quelquefois audacieux, mais toujours fondé en Raison, et assorti d’une pointe, finalement, d’optimisme quant à la qualité structurellement subversive de la folie et de son traitement par la psychanalyse. Ainsi ce livre nous convie à un changement de notre écoute, à une transformation de notre manière d’aborder les souffrances de nos contemporains. A ce titre il est certainement très utile. Il y a aussi beaucoup de liens avec les travaux d’autres, comme ceux de Legendre avec la «ligature», mais aussi Jean Pierre Lebrun, Lyotard, Pierre Bruno, Charles Melman, Philippe Aries, Gérard Pommier… Et cette profusion de notes donne au livre un caractère large, ouvert, comme au centre d’un débat où les avis et les opinions sont multiples. Et pour le néophyte, ce livre est un magnifique résumé de toute une perspective de la réflexion contemporaine. La psychose notamment sort de ce livre, créative, légitimée, capable de solutions pour nous tous, et que dire de la femme, et de l’amour lorsqu’il cite John Nash (mathématicien de génie, mort dans un accident de voiture en 2015): il explique «devant l’association mondiale de la psychiatrie que la psychiatrie l’a guéri de sa psychose mais au prix de la perte de son inventivité scientifique… Et il n’est pas rien pour notre propos qu’il attribue sa guérison ultérieure à l’amour de sa femme.» (p164). Evidemment, il a le défaut de sa qualité : contemporain, à l’écoute de la réalité actuelle, il ne vise qu’à modifier votre opinion, et il ne s’attarde pas aux preuves ou à l’étayage des hypothèses. Et j’ai quelquefois bondi à propos d’un raisonnement, ou d’un lien causal, pas assez fondé pour moi, largement idéologique, voire d’un marxisme de pacotille, (ce n’est après tout que mon opinion) mais c’est plutôt vivifiant. Jeanne Lafont |