Michèle Montrelay |
LALANGUE ET L’OMBRE L’AMOUR DE LA LANGUE Il convient bien aux « éditions des crépuscules » de publier La portée de l’ombre. La polysémie du titre, discrète, fait d’entrée jouer les mots, elle oppose d’emblée l’ombre impalpable et familière à sa portée insistante et pesante, presque insolite. |
|
Francis Cohen |
||
Claude Maillard |
LA MOURRE DE LA LANGUE De la langue Lacan en fait usage dans les dernières années de son enseignement qui le distingue de celui des linguistes. Il forge un nouveau concept porté par un néologisme lalangue en un seul mot. Pour Lacan, l’apothéose de lalangue coïncide avec l’intitulé aussi baroque qu’énigmatique de l’un de ses derniers séminaires, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre. » Echos à l’infini mais aussi un accès au rapport singulier de lalangue à l’amour qui équivoque avec la mourre un jeu pas tout à fait de hasard, dont les racines se perdent dans le temps, qui fait appel à la combinatoire mathématique et au savoir-faire particulier du joueur. La variante proposée par Lacan se trempe dans l’alliage du jeu de doigts rajouté à la fin de « La Lettre volée » et de la matérialité convoquée par chacun des termes employés. Mais la mourre est une citation implicite de son propre article antérieur « L’hommage fait à Marguerite Duras du ravissement de Lol V. Stein. » Il plongeait directement sur le nom : « Un chiffre qui se révèle dans le nom savamment formé, au contour de l’écrire Lol V. Stein… « Lol. V. Stein ; ailes de papier V ciseaux, Stein, la pierre au jeu de la mourre tu te perds. » Il intrique littéralement des fragments du (dé)chiffrage de son article de 1965 dans l’intitulé de son séminaire de 1975 L’insu que sait de l’unebévue s’aile à mourre, les deux signifiants proches mais alors séparés de L’hommage : Lol, ailes et (aux jeux de) la mourre. La résonance se prolonge, s’incarne même dans le titre du séminaire qui lui-même à chaque fois véhicule les effets de lalangue, « elle articule des choses qui vont beaucoup plus loin que ce que l’être parlant supporte de savoir énoncé. » Le transfert qui passe par Marguerite et va jusqu’à Lol V. Stein… |
|
Richard Abibon |
Equivoque et homophonie la résonance intrique, entrecroise l’amour de la langue et la mourre de lalangue par deux fois répétés à la fin de l’entretien, la relation s’explicite davantage après cette autre mention du même texte « Il n’est rien qui ne se repère à la lettre d’un autre travail sur Le ravissement) fait à mon école » publié à l’époque dans les cahiers Renault Barrault. Dans une note, l’éditeur de L’ombre et le Nom précise, lui, que le texte publié Sur le ravissement « reprend l’essentiel d’un exposé fait à l’Ecole Normale Supérieure, dans le cadre du séminaire de Jacques Lacan. » |
|
LA MOURRE ENCORE
A la fin de son second texte, « Interpréter », Michèle Montrelay opte pour : « Le choix pulsionnel du refoulement…nomination propre au transfert » tandis que la sublimation serait : « La nomination propre à l’artiste ». Ceci s’est aussi traduit par un pas de côté dans l’écriture qui n’est plus celle de « Sur le ravissement de Lol V. Stein », sans s’écarter pour autant de la préoccupation de Lacan dans son Hommage …: « Cette sublimation dont les psychanalystes sont encore étourdis de ce qu’à leur en léguer les termes, Freud soit resté bouche cousue. Seulement les avertissant que la satisfaction qu’elle emporte n’est pas à prendre pour illusoire. » Francis COHEN |
||
L’Invité 8 mars 2010
Michèle Montrelay pour son livre "La portée de l'ombre" Editions des crépuscules Présentation Francis Cohen