Moustapha Safouan Le puits de la vérité

Hermann, 2017

Jeanne Lafont.

Mes livres : Chez Point hors ligne, Topologie ordinaire de Jacques Lacan, 1986; Topologie lacanienne et clinique analytique, 1990. Les pratiques sociales en dette de la psychanalyse, 1994. Chez EFEdition. Les dessins des enfants qui commencent à parler, 2001; Six pratiques sociales, (livre collectif), 2006; La langue comme espace, 2015.

Le livre est difficile, mais étonnamment lisible, à cause, me semble-t-il d’un fil argumentaire très serré : pas une phrase de trop, beaucoup de citations assez longues et une articulation logique rigoureuse pour en présenter les enjeux et les contextes.

Le sous-titre « la psychanalyse et la science » ne rend pas vraiment justice à l’intérêt de ce parcours. Il ne s’agit pas d’un nième plaidoyer, mais d’un parcours passionnant de l’histoire de la science contemporaine, à partir d’Einstein, et Niels Bohr, de la physique quantique à la thermodynamique de Planck … en nous expliquant la révolution épistémologique qui la sous-tend, rappelant les implicites de Kant (époque de Newton) ou Wittgenstein et Poincarré (époque d’Einstein). Ce qui ne l’empêche pas de revenir aux sources de la science en reprenant les positions de Platon/Socrate, Aristote ou Proclus (commentateur romain d’Euclide). Et d’autres, je ne les connaissais pas tous !

Le fil rouge reste la question de la réalité et de la place du langage, des mots et de la parole dans cette histoire. Lacan et Freud sont partout, comme le point énonciatif qui permet l’analyse et le commentaire. Quelle est la réalité de la « nature » ? Peut-on parler d’une réalité de la Nature, et comment penser ce savoir scientifique ? Ces écritures ? Quelle place ? Là les analyses sont quelquefois difficiles, mais passionnantes.

Subrepticement, le point de départ reste l’énigme de la croyance en Dieu d’Einstein, son « rationalisme croyant ». (p45) : « Ce n’est pas sans raison que les historiens de la science parlent de la « révolution scientifique » du début du XXème siècle. Que l’enjeu de cette révolution ait été popularisé sous une forme quasi humoristique, celle de savoir si le Seigneur joue ou ne joue pas aux dés, ne laisse pas moins entendre que la science moderne a rompu avec ses origines judéo-chrétiennes ».  Et ce point de vue me semble profondément actuel !

Quant à la psychanalyse, dont l’histoire et les hypothèses sont présentées tout au long du livre, selon les nécessités de l’argumentation, elle ne fait l’objet, de manière spécifique avec l’Œdipe, que du dernier chapitre. Là Moustapha Safouan en prédit peut-être la fin, mais il reconnaît qu’il  y faudra « un autre ouvrage ». Je l’attends.

Jeanne Laffont

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