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Il y a quelques jours, je flânais au rayon librairie d’un grand supermarché de la culture à Montparnasse et c’est avec surprise que j’ai découvert le livre de M. S. » Big Mother » au milieu des ouvrages de politique et d’actualité. Ce n’est certes pas qu’il ne s’agisse point de politique, mais, et c’est l’occasion de le souligner pour notre soirée, c’est bien au titre de psychanalyste que nous vous convions à débattre ici. En effet, à lire votre livre, on s’aperçoit bien vite que c’est bien à partir de cette place que vous avez décidé d’entendre le discours politique (discours au sens lacanien et foucaldien de ce qui constitue le lien social). Le ton du livre est vif, caustique ; l’humour, très présent, est celui, acide, de l’ironie, à l’affût de la tournure qui griffe, qui épingle. Ce n’est pas le lieu de la » neutralité » de l’analyste – vous engagez votre parole contre l’empire des mères que vous voyez à l’œuvre dans notre champ social ; ce n’est pas non plus le lieu de la » bienveillance » en tant qu’elle cède le pas à la prise d’arme – certes verbale – contre les tenants d’une société qui refuse l’autre en prônant l’égalité, qui veut le bien de chacun en forçant l’intime et qui ne sait plus dire » non » là où elle réduit le citoyen à l’état d’infans. L’appui de votre lecture politique rend hommage à Tocqueville, et ce n’est pas le moindre intérêt de votre livre que de nous inciter à sa fréquentation. Pour la psychanalyse, sont convoqués Freud, Lacan et Winnicott ce théoricien de la Mère, ce théoricien de la relation duelle. Nous aurons, je pense, à revenir sur cette articulation centrale dans votre travail, celle qui, partant de la constatation de la faillite actuelle du symbolique nous mène, selon vous, à une emprise, non du féminin, mais du maternel : une mère archaïque, une mère d’avant la question phallique, me semble-t-il. Il me semble que là est le maître-mot de votre travail, son nerf, dans cet appel que vous faites à la pensée. Non pas penser A l’événement – comme nous le propose devoirs de mémoire (quel oxymore, dites-vous !) et autres commémorations – mais penser l’événement, introduire dans le jeu du Réel et de l’Imaginaire la dimension du Symbolique qui fait que si l’on ne comprendra jamais tout l’événement, la faute est à mettre sur le compte du lien social, de la parole, du vivant organisé en collectif, hors de la barbarie. Ce que nous impose » Big Mother » c’est de croire que, dans l’image, tout est déjà compris, que l’imaginaire vaut pour réalité, qu’il ne sert plus à rien de parler ! Penser, c’est aussi faire place à la mort comme limite, contre son déni obstiné. Serge Sabinus |
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L’Invité : mardi 12 novembre 2002
Michel SCHNEIDER pour son livre "Big Mother" Editions Odile Jacob Présentation par Serge Sabinus