Bonsoir, Gérard Pommier.
Merci d’être avec nous ce soir pour la présentation d’un de vos derniers livres La poésie brûle, paru en 2020 aux éditions Galilée.
Merci aussi pour cette publication au titre incandescent.
C’est un charbon ardent, un buisson touffu où le divin a sa place, une trouvaille aux multiples sens – transitif, intransitif, actif, passif; une condensation très freudienne aux ramifications multiples.
Sur les terres parfois arides de la psychanalyse, GP, vous faites passer un souffle poétique qui subvertit la distinction voire l’opposition sur laquelle vous vous appuyez en lui accordant une large place, celle entre la prose et la poésie.
Vous différenciez la poésie de l’enfance – celle en sol mineur au moment où se constituent les bases mêmes de la subjectivité- de celle en mi majeur: majeur, précisez-vous, pour ne pas dire “adulte” dans la mesure où on peut se demander qui l’est jamais tout à fait…
Avant l’âge dit de raison, cela résonne, cela chantonne, cela “poétise” dîtes-vous joliment. En vous lisant, m’est revenu ce souvenir du murmure d’un petit enfant déclarant: “Je voudrais donner un baiser à la musique ! ”.
Et puis, avec l’école, on entre dans un autre ordre.
Françoise Hermon et Monique Poncet ont choisi plusieurs passages où vous en parlez de façon très concrète : p. 36, 37 … ;(…fil d’un cri).
La poésie en mi majeur n’est pas sans faire penser au mi-dit de l’interprétation. Lacan d’ailleurs ne nous encourageait-il pas à lire les poètes en ajoutant : “Prenez en de la graine” et en considérant pour sa part qu’il n’était “pas poâte assez” ?
En commençant par le commencement, GP, vous reprenez la genèse de l’entrée du sujet dans la parole et le langage : à la suite du cri de la naissance, la découverte par l’enfant du babil, du jeu des sons; puis le redoublement des syllabes, le premier haiku dites-vous : Maman / Papa – puis le jeu avec les mots… (Je passe à nouveau la parole à Françoise Hermon : “… infini cannibale”).
Le refoulement fera ensuite son œuvre. Ce qui fait qu’une analyse conduit à renouer quelque part avec la langue de l’enfance, avec ces sources vives que signe l’expérience de la rencontre d’un corps avec les mots de l’Autre.
Le poète est sans doute celui qui est resté en liaison avec son enfance. Il touche à cette matière inflammable qui brûle, “brûle l’Ancêtre et le nom propre” dîtes-vous, pour les disséminer avec leurs cendres dans le corps du texte.
Le poète écrit ainsi son nom de façon cryptée, éparpillée, l’Ancêtre, tel le Phénix, renaissant alors de ses cendres,.
Ici vient une question : ce passage à l’écriture poétique en tant qu’il peut être considéré comme un signe de démantèlement du patriarcat, a-t-il selon vous “valeur d’avenir “ ? (Cf. Françoise H.)
À Saussure “ingénieur de la prose”, vous opposez en fin de compte Ferdinand et ses recherches sur les anagrammes dans les vers saturniens en lui décernant le titre de prince des poètes, des poètes dont vous suggérez qu’ils jouent avec le feu- en “brûlant d’amour” mais aussi en incendiant, en tuant; en pratiquant ainsi l’amour mais“ de loin”, comme au temps des troubadours.
D’où la relance de la question de la sublimation voire de l’Art en général dans son rapport au corps féminin…
Annick Galbiati